Prendre
date, pour des débats futurs sur l’échelle des peines…
Par
Pierre V. Tournier
En résumé, défendre - comme je le fais depuis
12 ans - le triptyque « amende, contrainte pénale (probation), emprisonnement »,
en matière correctionnelle afin de faire en sorte que la contrainte
pénale devienne « la » référence et l’emprisonnement une
« alternative » de dernier recours, nécessite, logiquement, de
reconnaitre, explicitement, l’utilité de la prison – et donc d’en
faire l’éloge, à certaines conditions (1) - mais aussi de renoncer à tout
aménagement qui ne serait pas octroyé en cours de détention
effective.
(1) Limitation des incarcérations aux capacités effectives des
établissements, droit à l’encellulement individuel pour tous, définition
de la cellule comme « un lieu de repos et d’intimité », un lieu que
l’on quitte le matin pour des espaces d’activités, mise en œuvre d’une
offre d’activités – émancipatrices - de 5 heures quotidiennes, organisation de
l’expression collective des personnes détenues sur tous les sujets qui les
concernent.
***
· En 2016,
dans son livre Révolution (X0 Editions, p. 194), Emmanuel
Macron écrivait : « Je pense qu’il est impératif que les
peines quelles qu’elles soient, soient immédiatement mises à exécution telles
qu’elles ont été prononcées […] Une peine de prison prononcée
doit conduire l’individu à être placé en détention. Il faut redonner du
sens au prononcé de la peine, car il engage la parole de la justice, et donc
son autorité ».
Aujourd’hui,
une peine d’emprisonnement prononcée peut ne pas impliquer de placement
en détention pour des raisons de nature fort différentes que l’on peut
classer ainsi :
1.
Le
condamné non incarcéré aura pu utiliser – et c’est bien ainsi - une
voie de recours (opposition, appel, pourvoi en cassation) ; ou bien
il aura bénéficié d’une grâce (individuelle), de la prescription avant
qu’on ne le retrouve et/ou que le parquet et les services de police
aient eu le temps de faire diligence ; le parquet aura pu aussi prendre la
décision de suspendre la mise à exécution avant de décider, en
définitive, de ne pas y recourir en raison des circonstances.
2.
Le
condamné peut voir sa peine d’emprisonnement aménagée, en milieu ouvert, par le
tribunal correctionnel (ab initio) ou dans un second temps par le
juge de l’application des peines, sans passer un seul jour en détention
(placement sous surveillance électronique, semi-liberté, placement à
l’extérieur).
3.
Dès
le prononcé de la peine d’emprisonnement, le tribunal peut décider de
sursoir à la mis à exécution en décidant d’accompagner la peine
« d’un sursis à exécution », qu’il s’agisse d’un sursis simple
ou d’un sursis avec mise à l’épreuve (SME).
· Dès 2006, dans
un texte diffusé, le 1er juillet, intitulé « Réformes
pénales, deux ou trois choses que j’attends d’elles »[1]
(1),
je proposais la création d’une nouvelle probation, autonome, c’est-à-dire
sans référence à l’emprisonnement, ainsi que la suppression, entre autres, du
sursis avec mise à l’épreuve. C’est en 2011,
que j’appelais cette nouvelle sanction « contrainte pénale appliquée
dans la communauté ».
De
fait, je proposais, en matière correctionnelle, une échelle des peines
simplifiée, le triptyque « amende, contrainte pénale (probation),
emprisonnement (ferme) ».
Ainsi
10 ans avant la déclaration d’Emmanuel Macron, je dénonçais, dans une
perspective progressiste, les « peines d’emprisonnement qui n’en
sont pas ». Donner à la probation (la contrainte pénale) toute sa
porté, afin qu’elle devienne la peine de référence et la prison
l’exception, redonner à l’aménagement des peines, en cours de détention, tout
son sens (celui de sas vers la liberté), tels étaient mes objectifs.
Grace à la création de la contrainte pénale et de la libération sous
contrainte, la loi du 15 août 2014, relative à l'individualisation des
peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, fut un premier pas,
certes chaotique, dans cette direction.
Lors
de son discours d’Agen (6 mars 2018), le président de la République, parlait,
ainsi, à propos de la contrainte pénale, de « peine intelligente ».
Sur ce, la Garde des Sceaux présente, aujourd’hui un projet de loi
dans lequel la contrainte pénale est supprimée et le sursis avec mise à
l’épreuve remis au goût du jour. Comprenne qui pourra.
Par
manque de lucidité, de volonté, d’ambition réformatrice, la marche
arrière va-t-elle être enclenchée par le Parlement ?
Paris, le 9 octobre 2018.
Pierre V. Tournier
[1] Ce texte de
2006, que l’on peut encore trouver sur internet, est repris dans mon ouvrage, Naissance
de la contrainte pénale. Sanctionner sans emprisonner,
L’Harmattan, coll. Criminologie », 2015, Volume 1. Genèse (226 p.),
Volume 2. Archives (221 p.), préface de Pierre Pélissier.
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