dimanche 21 octobre 2018

Lettre ouverte à l’attention de M. Emmanuel Macron Président de la République


« Sanctions pénales : changeons d’échelle »


1. - Les signataires de cet appel soutiennent tout ce qui peut aller dans le sens d’un approfondissement des réformes entreprises au cours des  dernières années visant à

-  réduire la centralité de la prison en matière correctionnelle,

 - mettre la contrainte pénale (appliquée dans la communauté) au cœur d’une nouvelle  échelle des peines,

- appliquer la recommandation du Conseil de l’Europe du 20 janvier  2010 relative à la probation.        
2. - On entend dire que « la contrainte  pénale, cela ne marche  pas ».

- Est-ce à dire que les contraintes pénales prononcées ne sont pas mises à exécution ? Non, la mise à exécution se fait dès le prononcé à l’audience.   

- Est-ce que le déroulement de la sanction pose problème, y-a-t-il des incidents graves en cours d’application ? Aucune donnée significative n’a été collectée à ce sujet.

- Les taux de récidive seraient-ils particulièrement  élevés, compte tenu du profil des condamnés ? Plus élevés qu’après un sursis avec mise à l’épreuve (SME) ? Qu’après une courte peine d’emprisonnement ferme ? Malgré nos demandes auprès des pouvoirs publics, aucune enquête n’a été réalisée sur cette question essentielle.

3.  - Ainsi, la seule raison de ce supposé constat d’échec se manifesterait-il dans le nombre de peines prononcées : la Chancellerie  a comptabilisé 1 060 contraintes pénales prononcées en 2015, 1 287 en 2016 ( + 21 %), 1 749 en 2017 ( + 36 %),  la stagnation, voire la baisse actuelle, pouvant s’expliquer du seul fait des annonces gouvernementales concernant la fin de la contrainte pénale par « fusion » avec le SME.   

4. - Trop peu de contraintes pénales prononcées, à ce jour ? Bien entendu. Est-ce rédhibitoire après un temps d’application aussi court ? Certaines des raisons  de cette politique malthusienne  des juridictions ont été, précisément, analysées dans la recherche financée par la Mission « Droit et Justice » et coordonnée  par le laboratoire du ministère de la Justice, le CESDIP « Vers une nouvelle justice ? » (septembre 2017) :

      Esprit du texte initial transformé lors de son passage au Parlement, calendrier serré de mise en œuvre, mise à jour tardive  des outils informatiques et méthodologiques, implication réduite des chefs de juridiction, méconnaissance des nouvelles dispositions par les magistrats, proximité de la contrainte pénale et du SME, difficulté à situer la contrainte pénale dans l’échelle des sanctions, absence de définition précise et simple des objectifs et des priorités de la contrainte pénale,  manque d’effectifs dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP).

5. - La création de la contrainte pénale  s'est accompagnée de changements profonds  dans la formation et l’exercice  des métiers de la prise en charge des condamnés en  milieu ouvert. Ces changements se sont appuyés sur la recherche scientifique criminologique et les expériences des pays étrangers en la matière. L’engagement en faveur de cette véritable révolution culturelle s’est manifesté chez nombre de juges de l’application des peines (JAP), comme au sein de la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP), de l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire (ENAP),  de l’ensemble des services déconcentrés de la DAP (Cf. le manuel de mise en œuvre de la contrainte pénale). Ces investissements se poursuivent aujourd’hui ; ils ne cesseront pas de porter leurs fruits dans l’avenir afin de prévenir, efficacement, la récidive.     

6. - Aussi,  afin que la réforme entreprise par le Gouvernement ne constitue pas un retour en arrière et un renforcement de la primauté de l’emprisonnement -  et de l’insécurité qui en découle -   et ce contrairement à ce que M. Emmanuel Macron avait annoncé lors de sa candidature à la Présidence de la République, nous demandons… 

·        Le maintien de la contrainte pénale (que l’on pourrait renommer « probation »), rejoignant en cela les préconisations de la mission présidée par M. Bruno Cotte « Pour une refonte du droit des peines » (décembre 2015) ;   

·        Le maintien du travail d’intérêt général au sein de la contrainte pénale, tout en conservant, néanmoins, le TIG « peine principale » cette sanction étant bien ancrée dans notre dispositif et bien comprise.

·        La suppression du sursis avec mise à l'épreuve (SME), intégré dans la contrainte pénale (probation).

7. - Ainsi une nouvelle échelle des peines pourrait être inscrite à l'article 131-3 du code pénal :

« Les peines correctionnelles encourues par les personnes physiques sont :

1° L'amende
2° Le travail d'intérêt général
3° La contrainte pénale (probation)
4° l'emprisonnement. »
Paris, le 23 juin 2018

  Premiers signataires au 29 juin :

Association nationale des juges de l’application des peines (ANJAP),
Association nationale des visiteurs de prison (ANVP),  
Dès maintenant  en Europe,
Fédération nationale des associations réflexion action prison et justice (FARAPEJ),
Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (SNEPAP-FSU),
Association nationale des assesseurs extérieurs en commission de discipline des établis-sements pénitentiaires (ANAEC)…  


·        Contact : Hervé Romieux, président de Dès maintenant en Europe,  herve.romieux@gmail.com


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