« Sanctions pénales : changeons
d’échelle »
1. - Les signataires de cet appel
soutiennent tout ce qui peut aller dans le sens d’un approfondissement des
réformes entreprises au cours des dernières années visant à
-
réduire la centralité de la prison en matière correctionnelle,
- mettre la contrainte pénale (appliquée dans
la communauté) au cœur d’une nouvelle échelle des peines,
- appliquer la recommandation du
Conseil de l’Europe du 20 janvier 2010 relative à la probation.
2. - On
entend dire que « la contrainte pénale, cela ne marche
pas ».
- Est-ce à
dire que les contraintes pénales prononcées ne sont pas mises à
exécution ? Non, la mise à exécution se fait dès le prononcé à l’audience.
- Est-ce que
le déroulement de la sanction pose problème, y-a-t-il des incidents graves en
cours d’application ? Aucune donnée significative n’a été collectée à ce
sujet.
- Les taux de
récidive seraient-ils particulièrement élevés, compte tenu du profil des
condamnés ? Plus élevés qu’après un sursis avec mise à l’épreuve (SME) ?
Qu’après une courte peine d’emprisonnement ferme ? Malgré nos demandes
auprès des pouvoirs publics, aucune enquête n’a été réalisée sur cette question
essentielle.
3. - Ainsi, la seule raison de ce supposé constat
d’échec se manifesterait-il dans le nombre de peines prononcées : la
Chancellerie a comptabilisé 1 060
contraintes pénales prononcées en 2015, 1 287 en 2016 ( + 21 %), 1 749 en
2017 ( + 36 %), la stagnation, voire la baisse actuelle, pouvant
s’expliquer du seul fait des annonces gouvernementales concernant la fin de la
contrainte pénale par « fusion » avec le SME.
4. - Trop peu de contraintes
pénales prononcées, à ce jour ? Bien entendu. Est-ce rédhibitoire après
un temps d’application aussi court ? Certaines des raisons de cette
politique malthusienne des juridictions ont été, précisément, analysées
dans la recherche financée par la Mission « Droit et Justice » et
coordonnée par le laboratoire du ministère de la Justice, le CESDIP
« Vers une nouvelle justice ? » (septembre 2017) :
Esprit du texte initial transformé lors
de son passage au Parlement, calendrier serré de mise en œuvre, mise à
jour tardive des outils informatiques et méthodologiques, implication réduite
des chefs de juridiction, méconnaissance des nouvelles dispositions par les
magistrats, proximité de la contrainte pénale et du SME, difficulté à situer la
contrainte pénale dans l’échelle des sanctions, absence de définition précise
et simple des objectifs et des priorités de la contrainte pénale, manque
d’effectifs dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation
(SPIP).
5. - La création
de la contrainte pénale s'est
accompagnée de changements profonds dans
la formation et l’exercice des métiers
de la prise en charge des condamnés en
milieu ouvert. Ces changements se sont appuyés sur la recherche scientifique
criminologique et les expériences des pays étrangers en la matière. L’engagement
en faveur de cette véritable révolution culturelle s’est manifesté chez nombre
de juges de l’application des peines (JAP), comme au sein de la Direction de
l’administration pénitentiaire (DAP), de l’Ecole nationale d’administration
pénitentiaire (ENAP), de l’ensemble des services déconcentrés de la DAP
(Cf. le manuel de mise en œuvre de la contrainte pénale). Ces investissements
se poursuivent aujourd’hui ; ils ne cesseront pas de porter leurs fruits dans
l’avenir afin de prévenir, efficacement, la récidive.
6. - Aussi, afin que la
réforme entreprise par le Gouvernement ne constitue pas un retour en arrière et
un renforcement de la primauté de l’emprisonnement - et de l’insécurité qui en découle - et ce
contrairement à ce que M. Emmanuel Macron avait annoncé lors de sa candidature
à la Présidence de la République, nous demandons…
·
Le maintien de la contrainte pénale (que l’on
pourrait renommer « probation »), rejoignant en cela les
préconisations de la mission présidée par M. Bruno Cotte « Pour une
refonte du droit des peines » (décembre 2015) ;
·
Le maintien du travail d’intérêt général au sein
de la contrainte pénale, tout en conservant, néanmoins, le TIG « peine
principale » cette sanction étant bien ancrée dans notre dispositif et
bien comprise.
·
La suppression du sursis avec mise à l'épreuve
(SME), intégré dans la contrainte pénale (probation).
7. - Ainsi une nouvelle
échelle des peines pourrait être inscrite à l'article 131-3 du code
pénal :
« Les
peines correctionnelles encourues par les personnes physiques sont :
1° L'amende
2° Le travail
d'intérêt général3° La contrainte pénale (probation)
4° l'emprisonnement. »
Paris, le 23 juin 2018
Premiers signataires au 29 juin :
Association nationale des juges
de l’application des peines (ANJAP),
Association nationale des
visiteurs de prison (ANVP), Dès maintenant en Europe,
Fédération nationale des associations réflexion action prison et justice (FARAPEJ),
Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (SNEPAP-FSU),
Association nationale des assesseurs extérieurs en commission de discipline des établis-sements pénitentiaires (ANAEC)…
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