Le gouvernement de coalition commémore le 10ème
anniversaire
de la grande loi « Taubira » sur la
contrainte pénale appliquée dans la communauté (CPC) et la libération sous
contrainte
On a encore eu un hiver polaire et un printemps sans hirondelle, mais certaines
choses progressent : le gouvernement de coalition a décidé de commémorer,
à la Maison de la Chimie, les 10 ans de
la loi « Taubira ». Vous vous en souvenez, cette loi avait,
principalement, institué la contrainte pénale appliquée dans la communauté
(CPC) et la procédure de libérations sous contrainte.
PVT
1.
Le triptyque « contravention,
délit, crime » est toujours en place, mais les frontières entre ces
catégories ont évolué. Ainsi, par exemple, certains délits sont devenus des contraventions de 5ème
classe ou, à l’inverse d’autres délits sont devenus des crimes.
2.
En matière correctionnelle, l’échelle des peines a fortement évolué : le
juge correctionnel a, pour l’essentiel, le choix entre l’amende, la
contrainte pénale et l’emprisonnement
ferme. Grâce à cette simplification radicale, on en a fini, en France, avec la
primauté de l’emprisonnement : pour les délits, la prison est devenue
l’alternative à la contrainte pénale. La CPC est la peine de référence, la peine la plus fréquemment prononcée, pour
un délit.
3.
Au bout de dix ans, chacun a assimilé ce qu’est une CPC : ensemble de contraintes
définies de façon nécessaire et suffisante, sur la base d’une analyse précise
du contexte dans lequel elles seront imposées, suivies et contrôlées :
contexte socio-économique, familial, psychologique. Ainsi, les échecs en cours
d’exécution sont rarissimes. C’est le fruit de ce que l’on a appelé, à
l’époque, une « fermeté éclairée ».
4.
Ces contraintes peuvent, si c’est nécessaire être de 5 ordres :
interdits, obligations, traitement
criminologique (travail sur le sens de l’infraction commise), traitement social favorisant l’accès aux services de
droits communs et, évidemment, procédures
de contrôle d’intensité adaptée.
5.
A ces contraintes – imposées - peuvent s’ajouter des mesures qui nécessitent la
pleine adhésion du condamné, comme les activités au service de la communauté
(l’ancien TIG). Plus généralement, les procédures dites de « justice
restaurative » ont vu leur développement fortement encouragé par la loi
« Taubira » de 2015. Elles favorisent le passage d’une peine exécutée
dans la communauté à une sanction appliquée avec la communauté :
médiation pénale, rencontres condamnés – victimes, cercles citoyens de soutien
et de responsabilité. A ce sujet, on se
souvient qu’une plateforme sur « la justice restaurative » avait été
constituée en 2014 à l’initiative de l’aumônerie protestante des prisons. Elle
eut d’ailleurs un rôle moteur dans les
années qui ont suivi.
6. En 2020, le sursis simple, le sursis avec mise à l’épreuve, le TIG comme sanction autonome ont évidemment été abolis.
7.
La même année, les aménagements de peines d’emprisonnement en début d’exécution
ont eux aussi été abolis. En revanche, quasiment tous les condamnés correctionnels
voient leur peine aménagée dans la communauté, en cours de détention, au plus tard
aux 2/3 de la peine dans le cadre de la libération sous contrainte.
8.
En conséquence, la surpopulation des prisons a été fortement réduite, et ce
malgré la suppression récente des crédits automatiques de réduction de peine. L’administration pénitentiaire se refuse
toujours à publier le nombre de détenus en surnombre mais l’Observatoire
national de la délinquance et de réponses pénales, l‘ONDRP le publie au 1er
jour de chaque semestre avec bien d’autres données de cadrage – données qui ont
manqué au législateur lors de l’élaboration de la loi « Taubira ». Un
seul exemple : la répartition des levées d’écrou – hors transfèrement –
selon le motif juridique. Ainsi, peut-on
suivre, semestre par semestre, la réduction de la part parmi les libérations de
condamnés, des « sorties sèches ». A signaler que seul le Front National
continue à remettre en cause la légitimité scientifique de l’ONDRP en matière
d’évaluation des politiques de sécurité et de justice pénale.
Le
1er juin 2025, il y avait, au niveau national 850 places opérationnelles
de plus que de détenus. Mais 1 500 places étaient inoccupées. Ce qui donne
un nombre de détenus en surnombre de 650. Pour mémoire, au 1er
novembre 2013, le nombre de détenus en surnombre était de 12 562.
9.
Pour ce 10ème anniversaire, le département « observation de la
récidive » de l’ONDRP a publié une synthèse critique des travaux réalisés
depuis 2020. Cette synthèse a été menée en coopération avec l’Institut national
d’étude scientifique du phénomène criminel (INESPC), créé en 2018 sur le modèle
de l’INED. Les conclusions de ce travail sont fort encourageantes : elles
le sont aussi bien pour les cohortes de condamnés à l’emprisonnement ferme
libérés que pour les cohortes de CPC. L’indépendance de l’ONDRP donne toute sa
force politique à ces évaluations.
10.
En 2025, il y a encore deux ou trois égarés
qui cherchent toujours quel peut bien être le « sens de la
peine » comme d’autres continuent à attendre Godot. Pourtant, après d’âpres discussions au
Parlement et une réécriture par la commission mixte paritaire, l’article 1er
de la loi « Taubira » sur les fonctions de la peine fait aujourd’hui
consensus, l’article 1er de la loi pénitentiaire de novembre 2009 étant de ce fait abrogé.
On
y parle de « restauration de la paix
sociale dans le respect des droits
reconnus à la victime », de « reconstruction
du condamné », de « vie
responsable, respectueuse des règles de la société et soucieuse du bien commun ».
Oui on y parle du souci du bien commun[1].
Paris,
Maison de la Chimie, 8ème rencontre parlementaire sur les prisons,
le
17 décembre 2013
Pierre
V. Tournier
[1] Art. 1er. Afin de restaurer la paix sociale, dans le
respect des droits reconnus à la victime, de protéger la société et de prévenir
la commission de nouvelles infractions, la peine a pour fonctions :
-
de sanctionner le condamné ;
-
de favoriser sa reconstruction, son insertion ou sa réinsertion afin de lui
permettre de mener une vie responsable, respectueuse des règles de la société
et soucieuse du bien commun.
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