Deux ou trois choses que
je voudrais entendre à propos de la contrainte pénale
(appliquée dans la
communauté)…
Projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation
des peines, Art. 8. « La peine
de contrainte pénale consistera à imposer à la personne condamnée, pendant une durée
comprise entre six
mois et cinq ans, fixée par la juridiction, des mesures d’assistance,
de contrôle et de suivi adaptées à sa personnalité, destinées à prévenir la
récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société,
tout en respectant certaines obligations ou interdictions justifiées par sa
personnalité, les circonstances de l’infraction, ou la nécessité de protéger
les intérêts de la ou des victimes. Ces mesures, obligations et interdictions
seront déterminées, après évaluation de la personnalité de la personne
condamnée par le service pénitentiaire d’insertion et de probation, par le juge
de l’application des peines, dans des conditions et selon des modalités
précisées par le code de procédure pénale. Elles pourront être modifiées au
cours de l’exécution de la peine au regard de l’évolution du condamné ».
***
Remarque 1. - La contrainte pénale ne concerne que les délits. Il n’est donc pas question ici de crimes : meurtre, tortures, violences ayant entrainé la mort sans l’intention de la donner, viol, vol avec usage ou menace d’une arme, vol en bande organisée, …
Remarque 3. - Ne sont donc pas
concernés par la contrainte pénale les délits
pour lesquels la peine encourue est de plus 5 ans d’emprisonnement :
par exemple, vol précédé, accompagné ou suivi de violences sur autrui ayant
entrainé une ITT de 8 jours au plus (7 ans, Art. 311.5 du CP), agression
sexuelle lorsqu’elle a entraîné une blessure ou une lésion, lorsqu’elle est
commise par plusieurs personnes agissant
en qualité d’auteur ou de complice, lorsqu’elle est commise avec usage ou
menace d’une arme … (7 ans, Art. 222-28 ), agression sexuelle imposée à un
mineur de 15 ans (7 ans, Art. 222-29), importation ou exportation illicite de
stupéfiants (10 ans, art. 222-36) …
Remarque 4. - Une contrainte pénale, c’est un programme de
contraintes qui « vise à préparer
l’insertion ou la réinsertion du condamné afin de lui permettre de mener une vie
responsable, respectueuse des règles de la société et d’éviter la
commission de nouvelles infractions » (art. 11 du projet de loi). Tel
est le sens qu’elle doit avoir au moment de son prononcé et tout au long de son exécution.
Remarque 5. - Ce programme de contraintes devrait être défini en
fonction des faits commis, de la personnalité du prévenu, de son parcours de
vie, de son passé judiciaire et surtout
(et ce sera nouveau) de l’environnement économique, social, familial, psychologique,
dans lequel ces contraintes seront vécues.
Remarque 6. - Par pragmatisme et volonté de réussir
avec le condamné, la société doit imposer un programme marqué d’une
fermeté éclairée, c’est-à-dire volontariste, exigeant, mais
« accessible ». Ne pas piéger le condamné en demandant l’impossible,
ce qui ferait le succès de la récidive. Aussi les contraintes doivent
pouvoir être actualisées (renforcées ou allégées) tout au cours de la mesure.
Remarque 7. - Les contraintes pourraient être de 5 types :
Interdictions de quitter le territoire national, fréquenter
tel lieu, telle personne (complice,
victime..), avoir telle activité,
conduire tel véhicule, …
Obligations de traitement
des addictions (alcool, stupéfiant, ..), aide psychologique, réparation des
dommages, indemnisation des victimes, travail d’intérêt général (TIG),
formation, …
Procédures de contrôle : autorisation
du juge de l’application des peines (JAP) en cas de changement de domicile, en
cas d’absence de ce domicile d’une durée significative, pointages réguliers au commissariat,
rendez-vous réguliers avec l’agent de probation, voire dans certains cas
surveillance électronique et si besoin surveillance policière (renseignement),
…
Prises en charge
criminologique : stage de
sensibilisation aux risques liés à l’usage de stupéfiants, stage de citoyenneté, groupes de parole pour
hommes violents ou en matière de délinquance au volant, groupes animés par des conseillers
pénitentiaires d’insertion et de probation
(CPIP) avec supervision d’un psychologue (en particulier pour éviter
les phénomènes d’emprise et surtout pour ne pas tomber dans la thérapie « à
la petite semaine », chacun son métier. Rappelons que les CPIP n’ont
pas besoin de l’étiquette de « criminologue » pour affirmer leur identité professionnelle,
mais d’une formation initiale et
continue en criminologie.
Accompagnement encadré par les CPIP vers les services sociaux de droit
commun (aide sanitaire et sociale, hébergement, recherche de stage ou
d’emploi…) ». S’ils n’ont pas à
être des « criminologues », les CPIP ne sont pas non plus des
assistants sociaux. Là aussi chacun son métier.
Remarque 8. - Les contraintes de chaque type doivent être nécessaires et
suffisantes. La contrainte pénale n’autorise aucune naïveté de la
part des acteurs judiciaires, mais, d’un autre côté, toute contrainte inutile a
une forte probabilité de s’avérer contre-productive.
Remarque 9. - Comme il est
précisé dans l’art. 19 de l’avant-projet : « Dans les trois ans suivant la publication de la loi, le Gouvernement
présentera au Parlement un rapport sur l’évaluation de la présente loi et
spécialement sur la mise en œuvre de la contrainte pénale, afin de préciser
dans quelle mesure cette peine pourrait se substituer à d’autres peines et
notamment au sursis avec mise à l’épreuve ».
Remarque 10. - L’objectif à long terme devrait être
systématiquement rappelé : intégrer, dans la contrainte pénale (pour
les délits) les peines alternatives existantes : TIG, SME, SME-TIG, et
aller, dans un souci de clarification, de lisibilité de l’échelle des peines pour
nos concitoyens, d’efficacité, de légitimité de la justice pénale, vers le triptyque
: Amende, Contrainte pénale et Emprisonnement.
Pierre V. Tournier
Bibliographie
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N., « Le concept de sanctions et mesures appliquées dans la communauté,
communication au colloque du 6 octobre 2012 au Sénat, sur la contrainte pénale
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Collectif, Conférence de consensus pour une nouvelle politique
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du jury de consensus au Premier ministre, 20 févr. 2013, 38 p.
Collectif,
Manifeste du 19 mai 2012, « Pour une peine juste et efficace » et texte « Pour
une politique pénale efficace, innovante et respectueuse des droits », Groupe
dit de Créteil, coordonné par Jean-Claude Bouvier et Valérie Sagant,
magistrats.
Collectif, Appel du 1er
juin 2012 à l’attention du Gouvernement
et du Parlement, « Pour en finir avec la primauté de
l’emprisonnement : Mettre au centre de l’échelle des peines « la
contrainte pénale communautaire » (CPC),
mis en ligne le 8 juin 2012 sur le site : leplus.nouvelobs.com/pierrevictortournier.
Cugno,
A., « La recommandation du Conseil
de l’Europe REC(2010)1 sur la probation, communication au colloque du 6 octobre
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pénal, n° 291, 15 oct. 2012.
Raimbourg R. et S.
Huyghe S., Penser la peine autrement : propositions pour mettre fin à la
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Tournier PV. « Une
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consensus sur la prévention de la récidive.