Lors de la
réunion du Conseil d’orientation (COR) de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) du mercredi 18 septembre,
cette création a été confirmée par M. Benjamin Camus, chef du Service statistique
ministériel (SSM) du Ministère de la Justice.
Ce Ministère fait preuve, en matière statistique, d’une parfaite continuité au-delà des changements de majorité politique : refus de coopérer avec l’ONDRP, mauvaise foi dans les échanges au sein du COR, recours à la langue de bois, etc… Aussi ai-je décidé de ne plus sièger au sein de ce Conseil. Je renouvelle toute ma confiance à M. Christophe Soullez chef de l’ONDRP et à l’ensemble de ses collaborateurs.
Ce Ministère fait preuve, en matière statistique, d’une parfaite continuité au-delà des changements de majorité politique : refus de coopérer avec l’ONDRP, mauvaise foi dans les échanges au sein du COR, recours à la langue de bois, etc… Aussi ai-je décidé de ne plus sièger au sein de ce Conseil. Je renouvelle toute ma confiance à M. Christophe Soullez chef de l’ONDRP et à l’ensemble de ses collaborateurs.
Paris, le 18 septembre 2013
Pierre V. Tournier
25 août 2013
Madame
la Garde des Sceaux,
A
l’Université d’été du Parti Socialiste, à La Rochelle, vous avez annoncé la
création de la « Contrainte pénale » (appliquée dans la communauté). Comme
vous pouvez l’imaginer, je m’en réjouis
et j’attends, avec confiance, d’en savoir davantage sur la définition des éléments
constitutifs de cette nouvelle
sanction.
Vous avez aussi annoncé que vous alliez «
installer le mois prochain l’observatoire de la récidive, afin de disposer des outils fins pour mesurer le phénomène ». A ce
sujet, je me permets de faire trois
remarques.
1. Dans le cadre du débat qui précéda
l’adoption de la loi du 12 décembre 2005 sur le traitement de la récidive
des infractions pénales, j’avais proposé la création d’un Observatoire
de la récidive (conférence de presse tenue à Paris le 28 juin 2005) auquel
je donnais douze objectifs (voir note jointe).
2. Depuis
cette époque, un fait nouveau
d’importance est à prendre en
considération : la création, le 1er janvier 2010, d’un
Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP)
dépendant des services du Premier Ministre et dont la compétence s’étend à
l’ensemble du processus pénal.
3. Dans leur rapport d’évaluation du 4 juillet
2012 de la loi pénitentiaire du 24 novembre2009, fait au nom de la commission
des lois et de la commission pour le contrôle de l'application des lois
du Sénat, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat (communiste) et M.
Jean-René Lecerf (UMP) écrivaient :
« La faiblesse des données
statistiques concernant le devenir des personnes sous main de justice interdit
une évaluation fiable et objective du système pénitentiaire français. Aussi, à
l'initiative du Sénat, la loi pénitentiaire (art. 7) a prévu de confier à
un observatoire indépendant le recueil et l'analyse des données relatives aux
infractions, à l'exécution des décisions de justice en matière pénale, à la
récidive et à la réitération. Elle lui assigne la responsabilité d'élaborer un
rapport annuel « comportant
les taux de récidive et de réitération par établissement pour peines ». Ce rapport annuel doit aussi
présenter le taux de suicide par établissement.
Dans l'esprit
du Parlement, il ne s'agissait pas de créer une nouvelle structure mais de
rattacher ces missions à l'observatoire national de la délinquance et des
réponses pénales (ONDRP) institué par le décret en Conseil d'Etat
n° 2009-1321 du 28 octobre 2009. […]. Vos
co-rapporteurs ne peuvent que regretter que les services n'aient pas été en
mesure de mettre en œuvre le travail interministériel nécessaire pour
appliquer un des volets importants de la loi du 24 novembre 2009 (recommandation n° 1) ».
Souhaitant que le Gouvernement agisse dans
la perspective définie par la représentation nationale et rappelée par Mme
Nicole Borvo Cohen-Seat et M.
Jean-René Lecerf, je me tiens à votre disposition pour échanger sur cette
question qui me préoccupe depuis 1981, époque à laquelle Robert Badinter
m’avait confié un travail sur des cohortes de condamnés à perpétuité et de
condamnés à mort graciés et libérés[1].
Je vous
prie de croire, Madame la Garde des Sceaux à l’expression de ma haute
considération.
Pierre V. Tournier
Directeur de recherches au CNRS
__________________________________________________________________________
21 mai 2007
A
propos de la nécessité d’un observatoire de la récidive des infractions pénales,
par Pierre V. Tournier[2].
Dans le cadre du débat qui précéda
l’adoption de la loi du 12 décembre 2005 sur le traitement de la récidive des infractions pénales, j’avais
proposé la création d’un Observatoire de
la récidive (conférence de presse tenue à Paris le 28 juin 2005).
Les objectifs de cet observatoire que
j’appelais de mes vœux furent précisés dans un courrier adressé à M. Pascal Clément, Garde des
Sceaux, le 4 août 2005, puis, n’ayant pas de réponse, dans une lettre ouverte
le 30 septembre, signée par une quinzaine d’organisations et plus de 130
personnalités scientifiques syndicales, associatives et politiques. Au
paravent, une tribune fut publiée en 1ère page du quotidien Le
Monde, en août, signée par Alain Blanc , Philippe Pottier , Jean-Louis Senon ,
Daniel Soulez Larivière et moi-même. Le texte se terminait ainsi : « Dans une société solidaire où le corps social se doit de réagir avec
détermination quand l’un des siens est atteint, améliorer la connaissance
scientifique sur ces questions est une obligation morale vis-à-vis des victimes
des crimes et des délits et de leurs proches. C’est aussi la seule façon de
rendre illégitimes les approches démagogiques et stériles qui nient la
gravité de ces questions ou, au contraire les dénaturent à travers un
discours sécuritaire dont le principal inconvénient, pour les victimes
potentielles, est d’être inopérant ».
Ces démarches ne reçurent aucune réponse de
M. Clément. En revanche, les différents groupes représentés à l’Assemblée nationale
furent convaincus du bien f ondé de
notre proposition et trois amendements voisins déposés par André Vallini et Christophe Caresche
(groupe socialiste) avec l’appui des députés Verts et communistes, Hervé Morin (président du
groupe UDF) et Christine
Boutin (UMP, présidente du groupe d’études sur les
prisons). En bonne logique, sur la base
de cette « majorité d’idées » - comme aurait dit Edgar Faure - la création de cet observatoire aurait donc
dû être votée à la quasi unanimité et inscrite dans la loi. C ’était sans compter
avec l’esprit partisan de M. Clément qui prit l’initiative d’annoncer, la
veille de l’ouverture des débats à l’Assemblée nationale, la mise en place par
voie réglementaire, d’une commission
d’analyse et de suivi de la récidive. Le groupe UMP représenté en séance par M. Fenech - en l’absence de Mme Boutin qui était en
mission en Chine - prendra prétexte de cette initiative du Ministre pour
retirer son amendement. Ceux du PS et de l’UDF, maintenus par leurs
rapporteurs, furent repoussés par la majorité de droite.
La présidence de cette commission de suivi,
sans moyens, fut confiée à M. Jacques-Henri Robert, professeur de droit à
l’Université Paris 2 Assas. Elle ne comprendra aucun chercheur spécialiste du
sujet, les propositions faites en ce sens par M. Robert ayant été récusées
par le Garde des Sceaux, sur des critères purement partisans. Dans le communiqué de presse du 10 octobre
2005, annonçant cette création, il était précisé ceci : « La commission élaborera un rapport annuel
qui devra être remis au Garde des Sceaux dans le deuxième trimestre de chaque
année et qui fera l’objet d’une publication officielle. Cependant, compte tenu
de l’urgence (sic), Pascal Clément a souhaité qu’un premier rapport d’étape lui
soit remis le 15 janvier 2006 ».
3 mois plus tard – le 15 janvier -, on ne vit
rien venir. A la fin du deuxième trimestre 2006, non plus. Le deuxième
trimestre de l’année 2007 est derrière nous et aucun rapport n’est en
vue !
Selon nos informations, la commission semble être tombée d’accord sur deux points :
1. Le refus des peines planchers.
2. La nécessite de créer un observatoire
de la récidive. Il
sera intéressant de voir comment ses
membres vont se situer lors du débat parlementaire de cet été. Affaire à
suivre…
Nous vivons une époque moderne.
_________________________________________________________________________
3 août 2005
Projet d’observoire de la récidive
Dans la perspective de la discussion de la
proposition de loi sur la récidive des infractions pénales, qui se déroulera à
l’Assemblée nationale cet automne, nous préconisons la création d’une structure
légère, peu coûteuse, placée auprès du ministre de la Justice, sur le modèle de
la Commission de suivi de la détention provisoire créée dans le cadre de
la loi n°2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption
d’innocence et des droits des victimes (Art. 72). Rappelons que cette
commission est constituée de deux représentants du Parle ment,
d’un magistrat de la Cour de cassation, d’un membre du Conseil d‘Etat, d’un
professeur de droit, d’un avocat et d’un représentant de la communauté
scientifique.
Aidé d’un secrétariat
scientifique permanent, disposant d’un minimum de moyens administratifs, l’observatoire
de la récidive pourrait mobiliser, pour remplir sa tâche, les
compétences des directions du Ministère de la Justice les plus directement
concernées : Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG),
Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), Direction de
l’Administration pénitentiaire (DAP) et Direction de l’administration générale
et de l’équipement (DAGE), sans oublier le Service des affaires européennes et
internationales (SAEI). L’observatoire devrait aussi avoir les moyens de
procéder à des visites et ou à des auditions afin de mobiliser toutes les
compétences acquises par les acteurs de terrain ou par les chercheurs, en
France ou chez nos partenaires européens.
Douze
objectifs
1/
- Centraliser les données existantes sur le sujet : données juridiques,
données statistiques et analyses du
phénomène dans le cadre des différentes disciplines concernées : sciences
du droit, sciences sociales, sciences du psychisme (travaux menés en France,
dans les autres pays du Conseil de
l’Europe, dans les pays d’autres continents).
Le
corpus ne devrait pas se limiter à la définition, à la mesure de la récidive et
l’étude des conditions du nouveau passage à l’acte, mais devrait naturellement inclure, en amont,
la question du prononcé des mesures et sanctions pénales (MSP), les conditions
juridiques et sociologiques de leur application (aménagement) en milieu fermé
comme en milieu ouvert, les conditions juridiques et sociologiques de fin de
placement sous main de Justice.
2/
- Accorder une attention toute particulière aux productions du Conseil de
l’Europe en la matière et en particulier du Conseil de coopération
pénologique (recommandations et autres travaux) et des autres instances internationales.
3/
- Mettre cette information à disposition (site internet).
4/
- Actualiser en permanence cette base documentaire.
5/
- Développer des outils pédagogiques permettant de synthétiser les informations
les plus importantes issues de cette base documentaire pour les rendre lisibles
par le plus grand nombre (services de la Chancellerie et autres
départements ministériels, Parle ment,
acteurs de la justice pénale, syndicats, associations, médias) : notes
techniques, synthèses, comparaisons entre MSP, entre aménagements, comparaisons
internationales, etc. Ce travail exigerait évidemment une grande rigueur
scientifique afin que ces outils puissent servir de référence à tous, quelle
que soit leur sensibilité idéologique.
6/
- Assurer une fonction de veille concernant les cas de récidive, qui
justifient, de par leur gravité et leur médiatisation, une information à chaud,
rapide mais objective, de nos concitoyens. Approfondir l’étude de ces cas, au
delà de la période d’intérêt politico-médiatique. Examiner a posteriori
leur traitement médiatique afin d’améliorer les modes de communication des
pouvoirs publics et des scientifiques. Un tel travail devrait naturellement
associer des professionnels de l’information.
7/
- Aider à la construction des programmes – et à leur mise en oeuvre - de
formation initiale et continue, sur la question, dans les écoles relevant du
Ministère de la Justice : Ecole nationale de la magistrature (ENM), Ecole
nationale d’administration pénitentiaire (ENAP), Centre de formation de la
protection judiciaire de la
jeunesse. Il ne pourrait s’agir ici que de propositions et de
mises à disposition de ressources dans le respect de la compétence des écoles à
déterminer contenus et méthodes d’enseignement.
8/
- Participer à l’élaboration de nouveaux instruments statistiques au sein du
Ministère de la Justice, assurant une production régulière sur le sujet. Là
encore, il ne s’agit pas de se substituer aux services compétents, mais d’être
un lieu de réflexion, une force de proposition et de mobilisation de
moyens.
9/
- Mobiliser la communauté scientifique, dans toute sa diversité, sur ces questions, afin qu’elle apporte sa
contribution à l’élaboration de nouveaux programmes de recherches
pluridisciplinaires qui devraient être pilotés et financés par la mission de
recherche « Droit & Justice ».
10/
Faciliter la coopération avec nos partenaires européens, pour une meilleure
connaissance des systèmes juridiques, des pratiques (« bonnes » ou
« mauvaises ») et des
résultats du traitement de la récidive, coopération qui devrait aussi
inclure la réalisation d’enquêtes, en parallèle, reposant sur des méthodologies
identiques (du moins compatibles entre
elles).
11/
- Rédiger un rapport annuel, largement diffusé (conférence de presse et
internet) rendant compte des avancées concernant les objectifs définis supra.
12/
- On pourrait aussi y trouver des recommandations de toutes natures,
susceptibles d’améliorer le traitement
de la récidive des infractions pénales.
L’une des retombées pratiques
attendues de la mise en place d’un tel observatoire pourrait être de permettre
au Ministère de la Justice d’inclure, parmi les objectifs qu’il doit définir - et quantifier - chaque
année par application de la Loi organique relative aux lois de finances du 1er
août 2001 (LOLF) la
prévention de la récidive.
A ce jour, cet objectif fondamental de la Justice pénale n’a
été retenu ni parmi les six objectifs de la « Justice judiciaire »,
ni parmi les sept objectifs de « l’administration pénitentiaire ».
Seul la « protection judiciaire de la jeunesse » l’a intégré à ses sept
objectifs (1).
Paris, le 3 août 2005
(1).
Point 6. « Prévenir la réitération et la récidive »,
indicateur : « part des jeunes pris en charge au pénal qui n’ont ni
récidivé ni réitéré dans l’année qui suit la clôture de le mesure ». Réf. Rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des
finances publiques, tome 2., présenté au nom de M. Dominique de Villepin,
premier Ministre, juin 2005, pp. 41-42.
[1] Barré
M.D, Tournier P.V., Erosion des peines perpétuelles : analyse des cohortes des
condamnés à mort graciés et des condamnés à une peine perpétuelle libérés entre
le 1er janvier 1961 et le 31
décembre 1980, Paris, direction de l’administration pénitentiaire, Travaux
& Documents, 1982, n°16, 95 p.