"Nous croyons à la vertu de la prison républicaine", Christiane Taubira, discours de La Rochelle
André Vallini s’est récemment exprimé sur la réforme pénale (Le Figaro, 22 août). Sénateur et président du Conseil général de l’Isère, ancien secrétaire national du Parti socialiste chargé de la Justice, A. Vallini était, lors de la campagne présidentielle de 2012, le responsable du pôle « Justice » de l’équipe de François Hollande :
« Je me situe sur une ligne très claire,
celle des engagements pris par François Hollande en
matière de sécurité et de justice. La polémique entre Manuel Valls et
Christiane Taubira était en fait artificielle dans la mesure où la seule
politique pénale à défendre est celle de l'efficacité. C'est pourquoi je suis
contre toute automaticité et donc contre les libérations anticipées
automatiques telles qu'elles ont pu être envisagées, aussi bien que contre les
peines planchers. L'automaticité est le contraire d'une justice qui doit
personnaliser les peines, aussi bien dans leur prononcé que dans leur exécution.
Ce qui n'est pas contradictoire avec la fermeté que nécessite un contexte où la
délinquance et la violence augmentent. Le déni du réel n'est pas supportable et
tout délit, même le plus mineur, mérite sanction, une sanction aussi sévère que
nécessaire, mais une sanction efficace et effective, efficace parce
qu'effective. De ce point de vue, le problème majeur que nous devons résoudre
est celui de l'engorgement de la chaîne pénale et de dizaines de milliers de
peines en attente d'exécution
Dans un pays dont la population augmente, il ne faut pas s'interdire de
construire de nouvelles prisons pour adapter les capacités carcérales à la
délinquance. Même si la prison n'est jamais la solution idéale, elle reste
nécessaire pour protéger la société contre les individus dangereux et les
mettre hors d'état de nuire. Mais aussi parce que la prison a une fonction
qu'il ne faut pas nier, celle de punir en privant de liberté à condition que ce
soit un temps utile où l'on prépare le détenu à sa vie d'après et en
privilégiant chaque fois que c'est possible, pour les courtes peines, les
alternatives à l'incarcération qui sont souvent plus efficaces contre la
récidive.
La gauche naïve, je vous le confirme, c'est terminé ! Et le procès en
laxisme instruit par la droite est une rengaine démodée. La gauche est devenue
réaliste d'autant que le PS compte beaucoup d'élus locaux confrontés
quotidiennement aux questions de délinquance ».
***
Ainsi, André Vallini ne partage-t-il pas le point de vue du jury de la conférence dite de consensus sur la prévention
de la récidive, présidée par Mme Françoise Tulkens, ancienne magistrate (Belgique) quand
ce dernier affirme « que le parc
pénitentiaire ne doit pas être augmenté dans un objectif de plus grande capacité
d’accueil, mais qu’il doit être qualitativement amélioré afin d’assurer de
meilleures conditions de détention […] (proposition n°39).
Il rejoint,
d’ailleurs, sur ce point, la position de la mission d’information de la Commission des Lois
de l’Assemblée nationale, présidée par Dominique
Raimbourg, sur les moyens de lutte
contre la surpopulation des prisons.
De son côté, l’appel du 23 avril 2013 « Pour
une réforme progressiste de la justice pénale : Il n’est plus temps de
consulter, il est grand temps d’agir », parle de « l’expansion
mesurée du parc pénitentiaire afin d’améliorer les conditions de détention
et de pouvoir appliquer l’ensemble des dispositions de la loi pénitentiaire du
24 novembre 2009 ».
Dans une note
au Président de la République qui aurait dû rester confidentielle - publiée par
Le Monde -, Manuel Valls, Ministre
de l’Intérieur, écrivait « Nous ne pouvons totalement ignorer la question du dimensionnement du
parc immobilier pénitentiaire et de son corollaire, la recherche d’une
architecture pénitentiaire et de modes de privation de liberté adapté à notre siècle,
toujours héritiers des conceptions du XIXème siècle, dans un contexte
budgétaire très contraint. »
87 places pour 100 000 habitants
Au 1er janvier 2013,
l’administration pénitentiaire déclare disposer de 56 992 places opérationnelles.
Pour une population de 65,586 millions d’habitants, cela donne un taux de 87
places pour 100 000 habitants. Au 1er janvier 2012, la
population française était de 65,281 millions, soit une augmentation, en un an,
d’environ 300 000 habitants.
Aussi, si l’on veut conserver ce taux de 87 p. 100 000, il faudrait créer environ
330 places de plus par an (1).
D’après
les chiffres les plus récents du Conseil de l’Europe (SPACE, Mai 2013), ….
75 places pour 100 000 habitants en Italie
(45 600 places pour 60,6 millions d’habitants)
85 p. 100 000 en Belgique (9 300 places pour 11 millions
d’habitants)
87 p. 100 0000 en Suisse (6 900
places pour 7,9 millions d’habitants)
95 p. 100 000 en Allemagne fédérale (77
700 places pour 81,8 millions d’habitants)
114
p. 100 000 au Portugal (12 100 places pour 10,6 millions
d’habitants)
140
p. 100 000, au Luxembourg (700
places pour 0,5 millions d’habitants)
147
pour 100 000 en Ecosse : 7 800 places pour 5,3 millions
d’habitants ;
157
p. 100 000 en Angleterre Pays-de Galles (88 300 places pour 56,2
millions d’habitants)
173
p. 100 0000 en Espagne (66 800 places pour 38,7 millions d’habitants).
Nous
n’avons, évidemment, aucune garantie que les critères de comptage des places,
soient directement comparables, d’un pays à l’autre, mais les ordres de
grandeur méritent d’être connus.
Faut-il
rappeler la façon bien peu satisfaisante dont sont comptabilisées les places
opérationnelles dans les prisons françaises ?
Je
le faisais en ces termes dans mon
dernier livre (La prison : une
nécessité pour la République, Buchet-Chastel, 2013) :
Mais il est évident que la superficie
nécessaire à chaque personne détenue pour que les conditions de détention
respectent la dignité de la personne va
dépendre du temps que le détenu passe dans cet espace, et donc de
l’organisation de la vie dans l’établissement. Aussi nous parait-il de première
importance de redéfinir les capacités des établissements pénitentiaires en se
basant sur la nouvelle version des règles pénitentiaires européennes (RPE).
Cette revendication, de
bon sens, n’a semble-t-il reçu aucun écho auprès des pouvoirs publics.
Aussi améliorer « qualitativement » le parc
pénitentiaire existant comme le préconise, à juste raison le jury de la
conférence dite de consensus amènerait à admettre, un évidence : la
France, ne dispose pas de 56 000 places « acceptables », mais de
beaucoup moins.
Pour mémoire Au 1er juillet 2013, Les prisons françaises comptaient 13 867 détenus en surnombre : 13 402 en maisons d’arrêt et 465 en établissements pour peine (OPALE)
PVT
(1) (65 586 000 + 300 000) x 87 /
100 000 - 56 992.
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Rappel -
IFOP, Le Figaro. Echantillon de 1003 personnes, représentatif de la
population française âgée de 18 ans et plus, terrain du 8 au 12 août 2013
Question
: Pour lutter contre la surpopulation dans les prisons françaises, seriez-vous
plutôt favorable ou plutôt opposé à chacune des propositions suivantes ?
« La construction de nouvelles prisons » : 81
% de « plutôt favorable »
« Le développement de solutions alternatives à
l’emprisonnement (bracelet électronique, travaux d’intérêts généraux) pour les
peines ne dépassant pas quelques mois » : 79 % de « plutôt
favorable ».
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