Mieux que l'écrou, la contrainte pénale (appliquée dans la communauté) |
Source Le Monde.fr
La ministre de la Justice, Christiane Taubira a annoncé, samedi 24 août lors de l'université d'été du PS, la création d'une "peine de probation", hors prison dans le cadre de la prochaine réforme pénale dont "les derniers arbitrages seront rendus le 30 août".
"Nous créons une peine de probation, qui est une peine en milieu ouvert, restrictive de liberté que nous appelons la contrainte pénale", a déclaré la ministre. Elle a précisé que cette peine ne concernerait que les délits punis de cinq ans de prison ou moins et que les juges pourraient "bien entendu" prononcer à la place des peines de prison.
POUR MEMOIRE
APPEL du 1er juin 2012
A l’attention du Gouvernement et du
Parlement
Pour en finir avec la primauté de
l’emprisonnement
Mettre
au centre de l’échelle des peines
« la
contrainte pénale communautaire » (C.P.C)
1.
Au sein du Conseil de l’Europe, l’idée fait consensus : la prison est,
aujourd’hui, une nécessité en démocratie, mais elle ne doit être utilisée qu’en
« dernier recours ». Ainsi la recommandation adoptée par le Conseil
de l ’Europe, le 11 janvier 2006, sur les règles pénitentiaires européennes,
réitère « que nul ne peut être
privé de sa liberté, à moins que cette privation de liberté constitue une
mesure de dernier recours et qu’elle soit en conformité avec des procédures
définies par la loi ».
2.
En France, sur les 630 000 condamnations prononcées en 2010, inscrites au
casier judiciaire, on compte 0,4 % de crimes, 92,7 % de délits et 6,9 % de contraventions de 5ème
classe. Les crimes sont, dans leur quasi-totalité, sanctionnés par une sanction
privative de liberté, ferme dans 9 cas sur 10 (avec ou sans sursis partiel). A
l’inverse, les contraventions de 5ème classe ne peuvent plus,
aujourd’hui être sanctionnées par une sanction privative de liberté, et ce depuis
la mise en application du nouveau code pénal, le 1er mars 1994, la
peine d’amende étant alors prononcée dans plus de 9 cas sur 10.
3. En revanche, la place
de la prison dans la façon de sanctionner les délits est paradoxale : les sanctions
privatives de liberté (fermes, avec sursis partiel ou avec sursis total)
représentent, en 2010, 52 % des sanctions prononcées, mais plus de 6 sur 10 de
ces sanctions sont prononcées avec un sursis total. Ainsi la prison est, pour
les délits, la sanction de référence, sans l’être (sursis) tout en l’étant
(risque de révocation du sursis).
4.
L’exigence, fondamentale, d’une échelle de sanctions graduée, lisible par tous,
et réellement appliquée nous amène à proposer de mettre au cœur du système une
nouvelle sanction : « la contrainte pénale communautaire » (C.P.C.).
5. Le mot
« communautaire» est à prendre au sens du Conseil de l’Europe. Les « sanctions
et mesures appliquées dans la communauté » maintiennent le prévenu ou le
condamné dans la communauté et impliquent une certaine restriction de sa
liberté par l'imposition de conditions (interdits et/ou obligations et/ou
mesures de contrôle).
6. Contrairement au sursis simple ou au sursis
avec mise à l’épreuve (la « probation » à la française), la contrainte pénale communautaire se
définit sans référence à un quantum d’emprisonnement ferme « épée de
Damoclès » qui pourrait, en définitive, être appliqué, mais par un temps
de probation vécu « dans la communauté ». Le code pénal précisera,
pour chaque délit concerné, la durée maximale de la période de la contrainte
(de 6 mois à 3 ans).
7. La C.P.C. pourra
comporter des obligations, des interdits et des mesures de surveillance. Ces
conditions sont précisées par la juridiction et/ou par le juge de l’application
des peines. Elles pourront être modifiées par le juge de l’application des
peines au cours de la période de
contrainte. Pour les obligations, les interdits et les mesures de surveillance, il suffira de s’inspirer de l’existant, par
exemple, en matière de mise à l’épreuve.
Ainsi une C.P.C pourra comprendre un travail d’intérêt général, un stage de
citoyenneté, une obligation de traitement médical, une interdiction de
rencontrer telle ou telle personne, de fréquenter tel ou tel lieu, mais aussi
une mesure de surveillance électronique
(fixe, voire mobile)…
8. Si le condamné ne respecte pas les conditions de la C.P.C., il sera de nouveau jugé, sans préjudice de la nature de la nouvelle sanction. Cela pourra être une sanction privative de liberté. Lors de cette nouvelle audience, le tribunal ne reviendra pas sur la question de la culpabilité et de la qualification des faits.
9.
En plein accord avec la recommandation
du Conseil de l’Europe sur les règles relatives
à la probation (20 janvier 2010),
la C.P.C. ne sera pas faite
uniquement de mesures de contrôle, d’obligations et d’interdits, mais aussi de
procédures d’aide et d’assistance. Sur le plan social, la
« supervision » doit surtout permettre de faciliter l’accès du condamné aux prestations sociales et aides
de droit commun.
10. La création de cette
nouvelle sanction permettra d’abandonner le sursis simple, le sursis avec mise
à l’épreuve, le Travail d’intérêt générale peine principale, le jour-amende. De ce fait, la C.P.C. pourra,
à terme représenter au moins 50 % des sanctions prononcées en matière de délits.
11. La contrainte pénale communautaire pourra,
évidemment, être adaptée au cas des mineurs.
12. Enfin, un grand nombre
d’infractions actuellement susceptibles d’être sanctionnées par une sanction privative
de liberté devra être sanctionnée, au maximum, par la C.P.C. Cela deviendra
la sanction de référence : la prison deviendra la sanction alternative… à
la contrainte pénale communautaire.
Les
premiers signataires
Parlementaires
Aline Archimbaud, sénatrice,
membre du groupe écologique, Dominique Raimbourg, député socialiste, avocat,
Nicole Borvo Cohen-Seat, sénatrice, présidente du groupe communiste, républicain et citoyen, membre de la Commission des lois,
Jean-Pierre Michel, sénateur (groupe socialiste), 1er vice-président de la commission des lois, ancien magistrat,
Robert Bret, ancien parlementaire (groupe communiste), militant associatif pour le maintien du lien familial avec les personnes détenues.
Personnes
morales
Association
« Brin de Soleil », d’aide aux familles et proches de personnes
incarcéréesAssociation française de criminologie (AFC)
Association La parole est à l’accusé (LAPAC)
Association Nationale des visiteurs de prison (ANVP)
Déviance & Social-démocratie Maintenant en Europe (DES Maintenant)
Europe Ecologie - Les Verts
Fédération des associations réflexion-action prisons et justice (FARAPEJ)
et Plus
de 150 Universitaires, chercheurs, professionnels du travail social, de la
sécurité, de la justice et du soin,
militants associatifs
Contact : pierre-victor.tournier@wanadoo.fr
Lire infra : "la Probation pour tous (sauf pour les nuls) "