par Pierre V. Tournier
Suite à l’accord conclu en commission
mixte paritaire, le 8 juillet 2014, le projet de loi relatif à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a été
adopté par l’Assemblé nationale le 16 juillet et par le Sénat le 17 juillet. Ainsi 8 années se seront écoulées depuis la
publication de notre texte du 1er juillet 2006 intitulé « Réformes
pénales, deux ou trois choses que j’attends d’elles »[1], dans lequel nous préconisions la création d’une
nouvelle peine de probation, inspirée de la probation « à
l’anglaise », peine qui « pourrait remplacer le sursis simple, le
sursis avec mise à l’épreuve, le TIG
peine principale… ».
Cette
sanction que nous nous proposions d’appeler « contrainte pénale
communautaire » dans un texte publié en novembre 2011[2], est
donc instituée dans l’article 8 du texte
adopté, sous le nom retenu de « contrainte pénale » :
« Art. 131-4-1. – Lorsque la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de l’auteur d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans et les faits de l’espèce justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu, la juridiction peut prononcer la peine de contrainte pénale.
« La contrainte pénale emporte pour
le condamné l’obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de
l’application des peines, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans
et qui est fixée par la juridiction, à des mesures de contrôle et d’assistance
ainsi qu’à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir
la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société
» […].
« Dans
les deux ans suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet
un rapport au Parlement étudiant la possibilité de sanctionner certains délits
d’une contrainte pénale à titre de peine principale, en supprimant la peine
d’emprisonnement encourue, et évaluant les effets possibles d’une telle
évolution sur les condamnations prononcées ainsi que ses conséquences sur la
procédure pénale. »
La distance est grande entre le projet que nous avons défendu dans les nombreux textes que nous a avons
regroupés dans le présent document et ce qui vient d’être voté par le
Parlement. Il suffit, pour s’en convaincre
de reprendre les 3 derniers points de notre article paru dans Arpenter
le Champ pénal, en novembre 2011, et
repris dans l’appel du 1er
juin 2012 :
« 7.
La création de cette nouvelle sanction permettrait d’abandonner les sursis
simples, les sursis avec mise à l’épreuve, le TIG peine principale, le
jour-amende, la dispense de peine… De ce fait, la contrainte pénale communautaire pourrait, à terme, représenter 50 % des sanctions prononcées en matière
de délit et ainsi détrôner les sanctions privatives de liberté, fermes (20 %
aujourd’hui).
8.
La contrainte pénale communautaire
pourrait, naturellement, être adaptée aux mineurs.
9.
Enfin, un grand nombre d’infractions actuellement susceptibles d’être
sanctionnées par une sanction privative de liberté devraient être sanctionnées,
au maximum, par la contrainte pénale communautaire. Cela
deviendrait la sanction de référence. D’une certaine manière, la prison
deviendrait la sanction alternative… à la contrainte
pénale communautaire. »
Constater cet écart ne représente en rien
une critique frontale des choix faits par le Gouvernement et des décisions prises par la Commission mixte paritaire. Nous
y reviendrons en détail, en examinant le long processus qui a amené à ce
résultat, ainsi que le rôle des principaux acteurs[3].
En attendant de plus amples développements,
objet de notre prochain ouvrage à paraître en 2015, nous laisserons la
conclusion, provisoire, à Franck Johannes, journaliste au quotidien Le Monde (9/7/14)[4] :
« Au total,
ce texte de compromis pose les bases d'une nouvelle peine, la contrainte
pénale, qu'il faudra nécessairement aménager dans les prochaines années. Ce n'est qu'un pas en
avant, sans doute insuffisant, et dont le sort dépend de la façon dont les
magistrats vont s'en saisir. Mais il traduit un réel changement de philosophie,
car il existe désormais trois types de sanctions pénales pour les délits : la
prison, la probation [la contrainte pénale], et l’amende »[5].
Franck Johannes rejoint ce qu’Antoine Garapon a pu dire, le 14 mai 2014, devant la
Commission des Lois du Sénat : « Ce
projet de loi fait rupture, mais ne va pas intellectuellement jusqu’au bout de
ses propositions. [Il] consacre d’abord une rupture symbolique en substituant à
l’idée de peine comme souffrance celle de la peine comme contrainte. Plus qu’un
tournant sémantique, c’est un tournant conceptuel ».
Le document peut vous être adressé gratuitement sur simple demande :
[2] Tournier
P.V., « Pour
en finir avec la primauté de l’emprisonnement. Mettre au centre de l’échelle
des sanctions la contrainte pénale communautaire », Arpenter le Champ pénal, n° 250, 21 nov. 2011.
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