mercredi 27 février 2013

Mon point de vue sur les conclusions de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive

Des recommandations  "chiffon rouge" qui font de l'ombre à des recommandations de bon sens
par Pierre V. Tournier
 
Les principales recommandations du jury de la conférence de consensus peuvent être classées en trois catégories :

Le jury recommande d’abolir …
1.1 - les peines plancher  (loi du  10 août 2007), 
1.2 - la limitation pour les récidivistes de l’accès aux aménagements de peine,    
1.3 - les périodes de sureté automatiques,
1.4 - les interdictions professionnelles automatiques,  
1.5 - la rétention de sureté (loi du 25 février 2008) et la surveillance de sureté, 

Le jury recommande de réformer
2.1 - réduction du nombre d’incriminations passibles de l’emprisonnement  (sans plus de précision),
2.2 - écartant tout accroissement du parc pénitentiaire, le jury recommande un évolution qualitative de celui-ci,
2.3 - adoption d’un système de libération conditionnelle (LC) « d’office » pour les peines d’emprisonnement, la LC pouvant rester « discrétionnaire » pour les peines de réclusion criminelle ; il s’agirait don, en fait, d’un système dit « mixte » de LC, 
2.4 - permettre l’accès aux dispositifs de droit commun,
2.5 - Evaluer les personnes, de façon « raisonnée » avec de nouveaux outils, mais  sans dire lesquels.

Le jury recommande de créer…
3.1 - la « contraire pénale appliquée  dans la communauté » (CPC) que le jury continue d’appeler « peine de probation »
3.2 - le droit d’expression  collective des personnes détenues,   
3.3 - une structure, au sein du Ministère de la Justice, regroupant les fonctions de la recherche, de la statistique et de l’expérimentation.

Mon point de vue

1. - Je suis bien entendu fort satisfait de voir le jury convaincu de la nécessité de créer  la « contraire pénale appliquée  dans la communauté » (CPC), même si je ne comprends pas l’entêtement des uns et des autres à vouloir appeler cette nouvelle sanction « peine de probation », compte tenu du risque de confusion dans les esprits avec la peine actuelle du sursis avec mise à l’épreuve – le sursis probatoire –SME - qui existe depuis 1958 et qui est aussi une « peine de probation », au sens du Conseil de l’Europe.

2. - Je salue l’importance accordée à la création d’un véritable droit d’expression collective des personnes détenues.
 
3. - Dans une lettre adressée, le 3 juillet 2009, à Michèle Alliot-Marie, Ministre d’Etat, Garde des Sceaux – restée sans réponse – j’avais proposé la création « auprès du secrétariat général de la Chancellerie, [d’] une mission de coordination afin d’améliorer l’articulation entre  la recherche, les études, l’évaluation et la production des statistiques. Cette structure aurait vocation à devenir l’interlocuteur identifiable, privilégié et coopératif au sein de la Chancellerie de l’ONDRP. Je crois comprendre que le jury va dans mon sens et je ne peux  que m’en féliciter. Faut-il aller jusqu’à une fusion des unités ?

4. - Pour l’essentiel, je partage la position du jury concernant la suppression des peines plancher,  de la limitation pour les récidivistes de l’accès aux aménagements de peine, des périodes de sureté automatiques,  des interdictions professionnelles automatiques, de la rétention et de la surveillance de sûrété. Mais tous ces choix devront être largement expliqués à nos concitoyens, peu convaincus du bien fondé de ces supressions -  et défendus dans le cadre d’un projet de réforme globale et réaliste de la façon de sanctionner les infractions pénales.

5. - Bien entendu, je partage aussi les considérations du jury sur « l’accès aux dispositifs de droit commun » et  sur l’évaluation des personnes, de façon « raisonnée », même si j’ai trouvé le jury bien timide sur le sujet. J’y reviendrai prochainement.

6. - Je ne suis pas d’accord avec la position qui consiste à proposer la réduction du nombre d’incriminations passibles de l’emprisonnement, sans préciser de quelles infractions il s’agit,  sans préciser s’il agit de légaliser telle ou telle transgression, de dépénaliser ou de requalifier tel délit  en contravention.  C’est ce que j’appelle une proposition « chiffon rouge » qui fait plaisir aux libertaires, mais qui ne fait évidemment pas consensus au sein de la gauche réformiste et encore moins dans la société française.   

7. 2ème  chiffon rouge : je ne suis pas d’accord pour écarter « tout accroissement du parc pénitentiaire ».  Le jury va d’ailleurs à l’encontre de la position que Christiane Taubira a rappelée dans son discours d’ouverture.

8. - 3ème chiffon rouge : je ne suis pas d’accord pour la mise en place d’un système de libération conditionnelle d’office. D’ailleurs, le jury admet lui-même qu’une telle proposition n’est pas très crédible, précisant au point  53. « Pour les longues peines, en particulier les peines de réclusion criminelle, l’adoption de ce système peut néanmoins susciter débat. La nature des faits et le reliquat de peine peuvent justifier le maintien d’un système discrétionnaire ». En fait, le jury péconise, comme je le fais depuis des années,  un « système mixte ». 

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