LA PRISON : UNE NÉCESSITÉ POUR LA RÉPUBLIQUE
C’est un grand enjeu culturel : se donner les moyens de parvenir à ce que la prison ne soit plus la peine de référence, explique Pierre Victor Tournier, qui milite depuis des années pour ce qu’il a appelé la contrainte pénale communautaire,
Sonya Faure, Libération.
Pierre Victor Tournier consacre une longue analyse, dans son livre à peine sorti, à la "nouvelle probation" qui, pour lui, devrait plutôt s'appeler la contrainte pénale communautaire. Il pense qu'il faut oeuvrer à un consensus entre les réformistes de gauche, du centre et de droite, à suivre, Marie Lefebvre-Billez, Réforme, hebdomadaire protestant d'actualité.
Un livre passionnant qui remet
en cause bien des idées reçues sur la prison, Michel
Field, LCI.
Ce livre est un régal, comme un jeu mathématique appliqué à ce milieu carcéral bien clos et bien opaque, Daniel Bernard , grand reporter à Marianne.
"Ma parole est libre, ma plume l’est aussi",
telle est la devise de Pierre Victor Tournier ; un très bon livre de l’infatigable arpenteur
du champ pénal, Jean
Lebrun, La marche de l’histoire, France
Inter.
Un texte qui permet de réfléchir à la question : Pourquoi la France fait-elle ce sort-là à ses prisonniers ?, Philippe Lefait, Des Mots de minuit, France 2.
LA PRISON : UNE NÉCESSITÉ POUR LA RÉPUBLIQUE
Aux Éditions Buchet & Chastel
De la peine prononcée à la
réinsertion, en passant par l’enfermement, cet ouvrage est un parcours au cœur
du système carcéral français. Surpopulation, sens de la peine, perpétuité
réelle, récidive, maladie mentale : avec une administration pénitentiaire
réticente à divulguer les chiffres, il est bien difficile de faire la part des
choses en la matière.
Combien de personnes en prison
aujourd’hui en France ? Quel est le taux de récidive ? Si l’on ne
peut pas se passer des prisons, ne doit-on pas en limiter l’usage aux
infractions les plus graves, en imaginant d’autres façons de sanctionner les
délits ? Comment aménager la détention et mieux préparer la sortie des
condamnés afin de les aider à « vivre une vie responsable » ? Si
la prison est bien une nécessité pour la République, c’est au cœur de celle-ci,
et non dans ses marges, qu’elle doit s’inscrire.C’est dans la complexité des questions pénales et carcérales que Pierre Victor Tournier nous entraîne, refusant toute forme de radicalité et avançant des éléments de réponses précis et exigeants.
Pierre Victor Tournier est directeur de recherches au CNRS,
spécialiste de démographie pénale. Chercheur au Centre d’histoire sociale du xxe siècle, à l’université
Paris I Panthéon Sorbonne, il a été expert scientifique auprès du Conseil de
l’Europe de 1983 à 2003.
PRÉFACE
d’Elisabeth Guigou
Députée de la Seine-Saint-Denis, ancienne Garde des Sceaux
Dans ce contexte, Pierre V. Tournier m’avait sollicitée car il souhaitait travailler sur la problématique des mesures et des sanctions pénales et en faveur de la judiciarisation de la libération conditionnelle. Sous son impulsion et avec l’appui de mon ministère, a été créée l’association RCP (Recherche, Confrontation et Projet) qui visait à encourager la réflexion sur l’ensemble des questions pénales en associant largement les acteurs de l’Etat et en s’appuyant sur les apports de la recherche.
L’association RCP a ainsi joué un rôle clé
dans le développement du volet sur la liberté conditionnelle de la loi du 15
juin 2000. L’objectif premier de ce texte était de renforcer la protection de
la présomption d’innocence et les droits des victimes. J’ai cependant souhaité
y adjoindre une réforme de l’instruction des demandes de libération conditionnelle.
Il s’agissait jusqu’alors de mesures d’administration judiciaire, qui n’étaient
pas susceptibles d’appel. Depuis la loi du 15 juin 2000, les demandes de
libération conditionnelle font l’objet d’un débat contradictoire au cours
duquel le détenu peut se faire assister d’un avocat. Ces décisions
juridictionnelles sont susceptibles d’appel.
L’ajout
de dispositions sur la libération conditionnelle dans le cadre de la loi sur la
présomption d’innocence constituait également une innovation en matière de
politique pénale. Pour la première fois en France, la loi du 15 juin 2000 adoptait
une approche globale du processus pénal, de la garde à vue à la liberté
conditionnelle. Elle était, en cela, inspirée des travaux du Conseil de l’Europe
sur le respect des Droits de l’Homme dans le cadre des politiques pénales.Parallèlement à cette action sur le processus pénal, j’ai initié, en tant que Garde des Sceaux, une réflexion sur la prison. La première fois que j’avais visité une prison, j’avais en effet été choquée par des conditions de détention déplorables, la promiscuité et le manque d’hygiène. Nos prisons étaient alors – et sont malheureusement encore parfois – indignes de la République. Du fait de l’absence d’une politique carcérale adéquate, tournée vers la réinsertion, elles étaient aussi souvent une école de la récidive.
C’est pourquoi j’ai commandé un rapport sur
les prisons à Guy Canivet, alors premier président de la Cour de cassation. Ce
rapport, qui m’a été remis en mars 2000, préconisait une évolution profonde du
fonctionnement de la prison, notamment la mise en place d’une loi pénitentiaire
et la création d’un système de contrôle des prisons indépendant. Très critique
à l’égard des prisons françaises, il rappelait l’impératif du respect de la
dignité des détenus, car cette exigence est le premier pas dans l’œuvre de
réinsertion, mission qui repose aussi, ne l’oublions pas, sur le personnel
pénitentiaire.
En 2007, dans la continuité du rapport
Canivet, le Parlement instituait enfin un contrôleur général des lieux de
privation de liberté, autorité indépendante ayant pour mission de veiller au
respect des droits fondamentaux dans les établissements pénitentiaires et dans
tous les lieux de rétention. Cette autorité réalise aujourd’hui un travail remarquable.
Je retrouve, dans le nouvel ouvrage de
Pierre V. Tournier, les principes fondamentaux qui ont guidé mon action en tant
que Garde des Sceaux en matière pénale et carcérale. « La prison, Une
nécessité pour la République » rappelle tout d’abord que l’enfermement est
une nécessité pour le bon fonctionnement d’un Etat de droit, mais qu’il n’est
pas la seule sanction dont dispose la justice pour faire respecter la loi. Il
rappelle surtout que la légitimité de la prison dans un Etat démocratique repose
sur le respect de la dignité des personnes au sein des établissements
pénitentiaires. Cela passe en particulier par la sécurité des personnes et des
biens et par des conditions matérielles de détention dignes, en termes de
promiscuité, d’hygiène ou encore de santé.
Ces principes sont inscrits dans les textes
fondateurs auxquels la France adhère, notamment la Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne. Ils devraient être une évidence au sein des
prisons françaises. Pourtant, la France a été condamnée à plusieurs reprises
par la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des Droits
de l’Homme et a fait l’objet de rapports sévères de l’ONU, du Comité européen
de prévention de la torture ou encore de
l’Observatoire international des prisons.
Sous l’influence du rapport Canivet et la
pression des parlementaires socialistes, la France s’est dotée en 2009 d’une
loi pénitentiaire, qui visait à traduire les règles européennes dans le cadre
législatif national. Cette loi garantissait aux détenus un certain nombre de
droits (domiciliation, maintien des liens familiaux, droit au travail et à la
formation…) et visait à réduire la détention provisoire et à développer les
aménagements de peine.
Ces avancées furent cependant vite contrebalancées
par le moratoire décidé par Rachida Dati sur l’application des règles
pénitentiaires européennes. Durant les dix dernières années, l’inflation de la
population carcérale, conséquence directe d’une politique pénale inadaptée qui
considérait la prison comme seule sanction efficace, a également contribué à
des conditions de détention dégradées.
Beaucoup reste donc à faire pour le respect
des Droits de l’Homme dans les lieux de détention en France. François Hollande
a fait de la justice l’une des trois priorités de son mandat. La politique
pénale engagée depuis quelques mois par la Garde des Sceaux, Christiane Taubira,
vise à privilégier la diversification des sanctions et les aménagements de
peine. Loin des caricatures qui en ont parfois été dressées, cette politique
n’a jamais eu pour objet d’abolir la détention, mais de faire de la prison la
sanction ultime plutôt que la sanction unique.
Parallèlement, le Ministère de la Justice a
annoncé la création de nouvelles places de prison afin d’atteindre 63.000
places à la fin du quinquennat, contre 57.385 places aujourd’hui (qui sont occupées
à 115,2%). Un programme de rénovation des établissements pénitentiaires se
poursuit également. Cette politique permettra de limiter progressivement la
surpopulation carcérale, d’améliorer les conditions de détention et de
favoriser la réinsertion des détenus.
Depuis plusieurs années, Pierre V. Tournier a
développé des outils nouveaux, notamment dans le champ de la statistique, qui contribuent
grandement à améliorer notre connaissance des sanctions pénales et des
conditions de sécurité et de dignité dans les établissements pénitentiaires.
Son ouvrage, richement documenté, dresse ainsi un examen précis de la situation
des prisons françaises. Il pourra sans aucun doute éclairer les dirigeants
politiques actuels et futurs. Je formule le souhait que le Ministère de la
Justice et l’administration pénitentiaire favorisent à l’avenir la réalisation
de telles recherches. Il est en effet indispensable que nos politiques
publiques soient conçues sur la base d’une observation et d’une analyse fines
du réel, afin que nous puissions mettre en adéquation les pratiques au sein des
prisons françaises et les règles pénitentiaires européennes.
TABLE DES
MATIÈRES
Introduction : Rendez-vous
en terre inconnue ?
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I. De la
restriction de liberté a minima à
l’enfermement sous contrainte maximale
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1. La prison,
peine de référence ?
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2. Placé sous main de Justice, mais sans
écrou
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3. Ecroué, mais pas détenu
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4. La détention dans tous ses
états
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5. Privé de liberté, mais pas détenu : gardé à
vue, retenu, interné
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II. Inflation
carcérale et surpopulation des prisons
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6. L’inflation carcérale : un phénomène
inéluctable ?
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7. Le triptyque « stocks, flux,
durée » : une complexité dont on ne peut pas faire l’économie
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8. Surpopulation : phénomène bien réel, concept incertain
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III. Peines
encourues, prononcées, mises à exécution, appliquées, aménagées, exécutées
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9. Processus pénal et dialectique du sens de la
peine
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10. L’aménagement des peines sous écrou, pour qui,
comment, pourquoi ?
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11. Au-delà de la levée d’écrou, la libération
conditionnelle
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IV. S’en
sortir ou pas ?
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12. Tous n’en sortiront pas
vivants
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13. Peines sans fin et droits de
l’homme
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14. Le mythe de l’éternel retour
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V. L’enfermement
en démocratie, un avenir assuré
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15. 80 000 places en 2017 ? 80 000 détenus ?
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16. « Abolir ! » disent-ils
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17. La prison en première ligne ou en dernier
ressort ?
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Eloge de
l’enfermement en démocratie : une question de dignité
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Petite
bibliographie sur la prison
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