Dès maintenant en Europe
« Le courage en politique n’est pas toujours perdant »
L’Association a pour vocation de rassembler les
progressistes qui, pour des raisons professionnelles et/ou militantes,
s'intéressent à la question des déviances, de la délinquance et de la
criminalité
et aux réponses que la société doit lui apporter (Art.
2 des statuts)
****
Lettre ouverte aux Membres du Parlement
Donnons à la Contrainte pénale toute sa
portée
« Une sanction intelligente »,
selon le Président de la République
(Agen, 6 mars 2018)
Au
1er avril 2018, le nombre de personnes sous écrou est de
82 086, chiffre pratiquement stable depuis un an (+ 0,7 %), 70 230
d’entre elles sont détenues, chiffre lui aussi stable depuis un an (+ 0,2
%). La surpopulation a légèrement baissé
sur les 12 derniers mois, mais reste à un niveau très élevé : 15 240
détenus en surnombre (- 1,8 %) dont 1 628 dorment sur un matelas posé à
même le sol (- 13,5 %). Le taux
d’encellulement individuel n’est que de 39 % (1).
Faute de données disponibles, nous ne
connaissons pas l’évolution du nombre d’entrées en détention (environ
66 000 en 2013, pour 89 290 entrées sous écrou), ni celle de la durée
moyenne de détention (estimée à 12,2 mois en 2013, pour 10,6 mois pour la durée
de placement sous écrou) (2)
Enfin, en 2016, 52 % des délits ont été
sanctionnés par une peine d'emprisonnement - dont 54 % avec sursis total –
(3).
·
- Afin de
remettre en cause la centralité de l’emprisonnement, comme le peu de lisibilité de l’échelle des peines, Dès
maintenant en Europe défend, depuis 2006, l’idée de la création d’une véritable peine de
probation autonome, sanction appliquée dans la communauté, sans référence à
l’emprisonnement.
Une tentative très imparfaite a été menée, en ce sens, par la création de la contrainte pénale par la loi du 15 août 2014 « relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales ». Comme nous l’avions souligné, en temps utile, à maintes reprises, cette création devait impérativement s’accompagner d’une simplification de l’échelle des peines, pour les délits, par la mise en place du triptyque « amende, contrainte pénale (probation) et emprisonnement. Ce qui impliquait, pour le moins, la suppression du sursis avec mise à l’épreuve (SME) et l’intégration du travail d’intérêt général (TIG) au sein de la contrainte pénale. Ce qui devait permettre aussi la suppression du TIG-SME. Mais le législateur de l’époque s’est arrêté au milieu du gué.
Afin que la réforme entreprise par le Gouvernement d’Edouard Philippe ne constitue pas un retour en arrière et un renforcement de la primauté de l’emprisonnement, et ce contrairement à ce qu’Emmanuel Macron avait annoncé lors de sa candidature à la Présidence de la République, nous demandons…
·
Le
maintien de la contrainte pénale (que l’on pourrait renommer
« probation »), rejoignant en cela les préconisations de la mission présidée
par M. Bruno Cotte « Pour une refonte du droit des peines » (décembre
2015) ;
·
L’introduction
d’un recours possible au placement sous surveillance électronique dans le cadre
de la contrainte pénale ; ce qui rendrait inutile la création de la peine
de détention à domicile sous surveillance électronique,
·
Le
maintien du travail d’intérêt général comme condition éventuelle de la contrainte
pénale, tout en conservant néanmoins le TIG « peine principale »
cette sanction étant bien ancrée dans notre dispositif et bien comprise.
·
La suppression du sursis avec mise à l'épreuve
(SME), intégré dans la contrainte pénale (probation), ce qui aurait l'avantage
de ne pas maintenir une référence à l'emprisonnement.
Ainsi une nouvelle échelle des peines pourrait être inscrite à l'article
131-3 du code pénal :
« Les peines correctionnelles encourues par les personnes physiques
sont :
1° L'amende
2° Le travail d'intérêt général
3° La contrainte pénale (probation)
4° l'emprisonnement. »
Certes, trop peu de contraintes pénales ont été prononcées, à ce jour. Certaines des raisons de cette politique malthusienne ont été précisément analysées dans la recherche financée par la Mission « Droit et Justice » et coordonnée par Christian Mouhanna, directeur du CESDIP « Vers une nouvelle justice ? » (septembre 2017) :
- Esprit du texte initial
transformé lors de son passage au Parlement,
- Calendrier serré de mise en œuvre,
- Mise à jour tardive des outils informatiques et méthodologiques,
- Implication réduite des chefs
de juridiction,
- Méconnaissance des nouvelles
dispositions par les magistrats,
- Proximité de la contrainte
pénale et du sursis avec mise à l’épreuve (SME),
- Difficulté à situer la contrainte
pénale dans l’échelle des sanctions,
- Absence de définition précise
et simple des objectifs et des priorités de la contrainte pénale
- Manque d’effectifs dans les services
pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP).
Aussi les auteurs de cette recherche ne
sont-ils pas favorables à la fusion de la contrainte pénale et du SME. Pour eux, « la contrainte
pénale fonctionne comme révélateur de problèmes structurels non résolus
antérieurement ».
Ne doit-on pas chercher à résoudre ces
problèmes plutôt que de « casser le
thermomètre » en abolissant de fait
la contrainte pénale ?
·
Cela ne
nous empêche pas de soutenir le projet de loi « de programmation 2018-2022
et de réforme pour la justice » du Gouvernement sur bien des points :
·
L’interdiction
des peines d'emprisonnement inférieures ou égales à un mois (art 132-19 du CP), même si l'efficacité d'une telle mesure n'est
pas démontrée et risque même d'entraîner une augmentation du quantum des peines
prononcées
·
L’extension des possibilités de saisine du
Service pénitentiaire d’insertion et de probation ou d'autres organismes pour enquête de
personnalité (art 41 du CPP)
·
La césure culpabilité et peine facilitée (art
132-70-1 du CP)
·
Le caractère systématique de la libération sous
contrainte (art 720 du CPP)
·
La simplification du traitement des requêtes
post-sentencielles (art 710 et 711 du CPP)
·
La
suppression du régime spécifique en matière d'application des peines
pour les récidivistes
·
La création du mandat de dépôt différé (art
464-2 du CPP)
·
Enfin, compte tenu de l’impéritie des
gouvernements précédents quant à l’octroi à la justice des moyens dont elle a besoin, nous pouvons admettre la nécessité de
·
L'augmentation des pouvoirs du juge unique
·
La construction de nouvelles places de prison
sous réserve que ce programme prenne en compte les conclusions du « livre blanc
sur les constructions pénitentiaires » élaboré par une large
commission présidée par Jean-René Lecerf (4 avril 2017),
limitation des affectations dans les futures prisons aux capacités
effectives, droit à l’encellulement
individuel, définition de la cellule comme « un lieu de repos et
d’intimité », mise en œuvre d’une
offre d’activité de 5 heures quotidiennes…
Pour débattre de
ces questions, Dès Maintenant en Europe se
tient à la disposition de la Commission des
Lois de l’Assemblée nationale
comme de celle du Sénat ainsi que
des groupes parlementaires de la majorité comme de l’opposition des deux
Assemblées.
Paris, le 9 mai 2018
Le Conseil
d’administration de « Dès maintenant
en Europe »
(1)
Ministère de la
justice, Mesure mensuelle de
l’incarcération, 1er avril 20018.
http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Mesure_mensuelle_incarceration_Avril_2018.pdf
(2)
Pierre V.
Tournier, OPALE, N°9. Flux annuel
d’entrées sous écrou et indicateur du temps passé sous écrou, OPALE N°10. Estimation de l’indicateur
de la durée moyenne de détention
http://www.farapej.fr/FrameIndex.php,
(3) Ministère de la Justice, Statistique des condamnations
prononcées en 2016, http://www.justice.gouv.fr/art_pix/stat_condamnations2016.pdf
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