28 Janvier 2013. Prisons : Christiane Taubira dit non au "concept du numerus clausus". Un rapport parlementaire préconisait de proposer des aménagements de peines dès l'instant où un détenu entrerait dans une prison surpeuplée (rapport de la mission parlementaire présidée par Dominique Raimbourg, sur les moyens de lutter contre la surpopulation carcérale.)
20 février 2013. Le jury de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive passe entièrement sous silence la question du numerus clausus penitentiaire.
Aujourd"hui : la surpopulation carcérale ne cesse d'augmenter : 12 350 détenus en surnombre, soit + 5,5 % en 12 mois (données au 1er février 2013).
Il est urgent d'agir.
« Détention et inégalité » (1)
Placées en détention provisoire ou
exécutant une peine privative de liberté, non aménagée en milieu ouvert, 66 572
personnes se trouvent en détention dans les prisons françaises, en métropole et
outre-mer au 1er janvier 2013. Etre détenu représente,
selon les individus, des contraintes, des frustrations, des souffrances
physiques ou morales, des dangers mêmes, bien différents.
La personne concernée peut avoir
une certaine responsabilité dans la situation favorable ou défavorable qu’elle
connait. Un détenu ayant tenté de s’évader, ou connue pour ses comportements
violents à l’égard des personnels de surveillance verra ses mouvements – et ses
activités - nécessairement réduits. Mais son statut de « forte
tête » pourra aussi le protéger de la population pénale qui a ses propres
hiérarchies sociales : ainsi les mouvements d’un auteur d’agression
sexuelle sur mineur seront eux aussi réduits, afin de le protéger du mépris et
des violences éventuelles d’autres détenus.
Comme à l’extérieur, les
caractéristiques sociodémographiques des personnes détenues peuvent être, bien
évidemment, source d’inégalité, en détention : il vaut mieux être français
qu’étranger, étranger francophone sachant lire et écrire, qu’étranger non
francophone, ne sachant ni lire ni écrire dans sa langue maternelle, disposer
d’aides de l’extérieur qu’être socialement complètement isolé. La mixité des détenus est interdite ; on
touche là à un sujet tabou. Doit-on alors considérer que les détenus hétérosexuels
connaissent une situation plus défavorable que les homosexuels ? N'oublions pas que l’homophobie s'exprime aussi en prison.
De la responsabilité des pouvoirs
publics
Nous ne parlerons ici que des
différences de condition dont la responsabilité relève directement des pouvoirs
publics. Ainsi, la violation la plus évidente du principe républicain d’égalité
de traitement en détention découle de l’état endémique de surpopulation
carcérale. Quatre cas de figures peuvent se présenter : 1. Etre détenu
dans une prison non surpeuplée ; 2. Etre détenu dans un établissement où il y a plus de détenus que
de place, mais dans une cellule dont la capacité définie par l’administration
n’est pas dépassée ; 3. Etre détenu dans une cellule surpeuplée, mais en
bénéficiant d’un lit à disposition 24h sur 24 ; 4. Etre condamné à dormir
sur un matelas posé à même le sol. Au 1er janvier 2013, on a recensé
12 194 détenus en surnombre dont 639 doivent se contenter d’un matelas posé
à même le sol. Les capacités des prisons sont définies uniquement à partir de
la superficie des cellules (circulaire
du 3 mars 1988) : superficie de moins de
11 m2 = 1 place, 11
à 14 m2
inclus = 2 places, 14 à
19 m2 inclus = 3, 19
à 24 m2
inclus = 4, etc.
Pour montrer à quel point les
situations peuvent être inégalitaires, d’un établissement à l’autre, il faut
introduire trois autres éléments qui doivent être pris en compte simultanément : la personne
détenue bénéficie-t-elle d’une cellule individuelle, combien de temps reste-t-elle
dans sa cellule, individuelle ou collective (22h, 10h ?), quelle est la
nature des activités, rémunérées ou non, qui lui sont accessibles en cellule et
hors de la cellule ? La question de l’encellulement individuel ne se pose
évidemment que dans les cas 1 et 2. Etre détenu en cellule individuelle
constitue, à juste raison, la norme du Conseil de l’Europe. Son principe a été
réaffirmé dans la loi pénitentiaire de 24 novembre 2009, mais son application
reportée à plus tard (moratoire de 5 ans). Mais bénéficier d’une cellule
individuelle, pour n’en sortir que deux ou trois heures par jour pour la
promenade faute d’activités dans l’établissement est un traitement peu
enviable, voire, à la longue, un traitement dégradant au sens de l’article
3 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Réduire cette
source d’inégalités au sein de la détention nécessite de respecter
l’encellulement individuel, partout, et d’avoir des prisons qui ne recevront pas plus de détenus qu’il n’y a de
places (numerus clausus) et disposeront des
infrastructures et des moyens permettant
que la journée de détention se passe hors de la cellule, dans les lieux
de vie : en ateliers, dans les locaux de formation générale ou professionnelle
ou les lieux d’activités culturelles ou sportives, ou les espaces de promenade,
dans les lieux de soins, les lieux de pratique religieuse, les parloirs, etc.
Pierre V. Tournier
(1) Notule à paraître dans
le Dictionnaire des inégalités, dirigé
par Alain
Bihr et Roland Pfeferkorn
Pour en savoir plus ....
Dominique Raimbourg et Sébastien Huyghe, Penser la peine autrement : propositions pour mettre fin à la surpopulation carcérale, Assemblée nationale, Commission des Lois, Rapport d'information n°652, janvier 2013, 197 p., 6,50€.
Pour en savoir plus ....
Dominique Raimbourg et Sébastien Huyghe, Penser la peine autrement : propositions pour mettre fin à la surpopulation carcérale, Assemblée nationale, Commission des Lois, Rapport d'information n°652, janvier 2013, 197 p., 6,50€.