A
la une de sa livraison du 7 décembre 2012, Le quotidien Le Monde rend compte de la situation du centre pénitentiaire des Baumettes
à Marseille, l’éditorial ayant pour titre
« Détentions : il faut
un numerus clausus ». On ne
peut que se réjouir de cette prise de position,
en faveur du numerus clausus
pénitentiaire que nous avons défendu, dès le mois de juin 2005 (1) aux côtés
de Bernard Bolze, initiateur et organisateur de la campagne « Trop c’est trop. Une place, un détenu »
(2005-2007).
A la fin de l’éditorial, Le Monde affirme que « 80 % des détenus sont des condamnés à des peines de moins d’un an », sans évidemment indiquer sa source.
Ce
que je sais sur la fréquence des peines de moins d’un an…
STOCK et FLUX. - Dans le langage de la statistique ou
de la démographie, on parle de données de stock – ou d’état - à propos d’une
grandeur que l’on mesure à un instant t donné. Par exemple, le nombre de
personnes sous écrou au 1er novembre 2012, soit 77 282 (France entière), ou la capacité
opérationnelle des établissements pénitentiaires dont dispose l’administration,
à la même date, soit 56 933 (France
entière). Il est essentiel de distinguer cette notion de stock et la notion de
flux qui se réfère à un ensemble d’événements enregistrés au cours d’une période
donnée, généralement l’année civile, par exemple le nombre d’entrées sous écrou
au cours de l’année 2011, soit 88 058 (France entière).
- Statistique des condamnations prononcées, issue
du casier judiciaire
En
résumé : Parmi les condamnations prononcées en 2011 pour délit ou crime,
21 % comprenaient une peine privative de liberté ferme, dont le quantum ferme
était, dans 80 % des cas environ,
inférieur à 1 an.
- Statistique de la population placée sous
écrou
Indicateur
n°3 (statistique de flux). En 2011, l’administration pénitentiaire a recensé 88 058
entrées sous écrou (France entière) : 25 883 entrées de prévenus
dans le cadre d’une information, 21 432 entrées de prévenus dans le cadre
d’une procédure de comparution immédiate,
116 entrées pour contrainte judiciaire, 39 688 entrées de
condamnés pour un délit, 66 entrées de
condamnés pour un crime et 873 entrées de libérés conditionnels ou
probationnaires réincarcérés et de personnes reprises après évasion.
On
connait, par ailleurs, la répartition des 39 688 entrées de condamnés pour
un délit (45 % de l’ensemble des entrées sous écrou), selon le quantum ferme de
la peine. Dans 84 % des cas, cette peine est inférieure à 1 an.
En résumé : Parmi les personnes placées
sous écrou en 2011, 45 % l’ont été sur extrait de jugement (procédure
correctionnelle). Parmi ces condamnés placés sous écrou, 80 %, environ
avaient à exécuter une peine ferme de moins d’un an.
Indicateur
n°4 (statistique de flux). En 2011,
l’administration pénitentiaire a recensé 81 213 levées d’écrou, hors
transfèrement (France entière). A
priori, on ne connait rien d’autre sur ce flux de sorties. Ainsi ne connait –on
pas la répartition de temps passé sous écrou. On ne sait donc pas quel est la
proportion des temps passés sous écrou de moins d’un an. On n’en sait rien non
plus sur le temps passé en détention.
Pour
mesurer l’indicateur dont Le Monde
semble prétendre connaître la valeur,
(« 80 % des détenus sont des condamnés à des peines de moins d’un
an » :
a
- il faudrait connaitre, parmi les
81 213 levées d’écrou de l’année 2011, le nombre de celles qui
correspondent à la fin d’un temps passé sous écrou, comportant un temps de
détention non nul. Soit x ce nombre.
b
- Puis il faudrait isoler ceux qui sont liés à l’exécution (partielle ou
totale) d’au moins une condamnation.
c
- Pour chacun de ces temps passés sous écrou, il faudrait pouvoir calculer la
somme des quantum fermes des condamnations concernées (Q).
d
- Soit y le nombre de ces temps passés sous écrou avec Q inférieur
à un an. L’indicateur du Monde vaut 100 y / x.
Sauf
erreur de ma part, x et y restent des inconnues ! Vu la complexité de la chose,
on comprend, aisément pourquoi.
Le
calcul des taux est tout un art …
PVT
(1)
Voir ou revoir http://leplus.nouvelobs.com/contribution/336148-un-detenu-une-place-de-prison-une-idee-simple-qui-fait-son-chemin.html
(2)
Réunions publiques sur le numerus
clausus pénitentiaire organisées, à l’Estran, Paris IXe, par DES Maintenant en Europe, le 25 juin
2005, avec Bernard Bolze et le 10
septembre 2005, sous la présidence de Jacques Floch député (PS) de
Loire-Atlantique dont Dominique Raimbourg fut le suppléant.
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