vendredi 30 mars 2012

Numerus clausus pénitentiaire. Suite

 

Quelle est, aujourd’hui, la position des socialistes ?   

  

13 Juillet 2010. Dominique Raimbourg, député socialiste, spécialiste des questions  pénales, dépose, à l’Assemblée nationale, une proposition de loi instaurant un mécanisme de prévention de la surpopulation carcérale. Ce mécanisme  - numerus clausus pénitentiaire - prévoit que toute nouvelle incarcération d’une personne en surnombre, entraîne alors, dans un délai de deux mois, la libération sous certaines conditions, d’un des détenus condamnés les plus proches de sa fin de peine. Cette proposition de loi est signée par l’ensemble du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et apparentés et, en particulier, par François Hollande et André Vallini, aujourd’hui  « en charge des questions relatives à la Justice » auprès du candidat socialiste. Examinée en novembre 2010, la proposition est votée par la gauche et les Verts, mais rejetée par la majorité UMP.  D. Raimbourg affirme alors  « Je reprendrai ces propositions lors du grand débat politique qui va s’ouvrir pour les présidentielles de 2012 ». Nombre de spécialistes des questions pénales et pénitentiaires ont salué cette position courageuse, au nom de la défense de la dignité des personnes détenues et de  l’efficacité dans la lutte contre  la récidive : une peine efficace, c’est avant tout une peine exécutée dans des conditions qui lui donne tout son sens.      
Octobre 2006, Place de la Concorde, Nancy Huston et des militants
de la Campagne"Trop c'est trop", animée par Bernard Bolze,
en faveur du numerus  clausus pénitentiaire. DR
1er  octobre 2011.  La gauche devient majoritaire au Sénat
1er février 2012. Reprenant la proposition des députés de gauche, le Sénat adopte le principe du numerus clausus pénitentiaire à l’occasion du projet de loi de programmation sur l’exécution des peines. Entre temps, André Vallini a été  élu sénateur.  Il aura donc approuvé par deux fois ce principe, à l’Assemblée, puis au Sénat.      

15 mars 2012. Invité de l’émission « Des Paroles et des Actes » de France 2, François Hollande débat avec Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP. Très agressif, ce dernier aborde la question de la sécurité à travers le principe du numerus clausus pénitentiaire – sans utiliser l’expression -  qu’il qualifie de « position absolument inouïe ». J-F Copé rappelle que F. Hollande a signé la proposition de loi présentée par les députés socialistes, à ce sujet. François Hollande donne l’impression de ne pas s’en souvenir, ne défend pas la position et répond à côté. Il  parle  des personnes « qui ne devraient  pas être  en prison » et cite les étrangers détenus uniquement pour infraction  à la police des étrangers  ou les mineurs détenus pour un délit qui pourraient être dans des centres éducatifs fermés (C.E.F). Les  uns et les autres ne sont, en réalité, que quelques centaines : rien à voir avec les 12 500 détenus en surnombre.

29 mars 2012.  André Vallini tient une réunion publique à Marseille. Dans le débat, trois questions lui sont posées de la salle, par la même personne : 1. Avez-vous l’intention de faire abroger la loi sur les peines plancher ? 2. Avez-vous l’intention de faire abroger la loi sur la rétention de sûreté ? 3. Avez-vous l’intention de faire voter une loi instaurant un numerus clausus pénitentiaire ? A la 1ère question la réponse est « oui » ;  la réponse à la deuxième question est quelque peu ambigüe. ». André Vallini  rappelle  que  la rétention de sûreté ne sera effective qu’à partir de 2023, sous-entendu : pas d’urgence, on va pouvoir voir venir. Quant à la 3ème question sur le numerus clausus la réponse est claire, c’est « non »,
car on ne peut pas être pour le numerus clausus et contre les peines plancher. Comprenne  qui pourra.

Tenir le cap



Difficile, pour les progressistes, de tenir le cap, dans un climat hyper-sécuritaire marqué par les assassinats perpétrés par Mohammed Merah, à Toulouse et à Montauban. Difficile de faire face aux positions démagogiques de la droite dite populaire et du Front National, positions sur lesquelles Nicolas Sarkozy s’aligne de plus en plus, en matière de sécurité et de justice, tout simplement pour gagner les voix qui pourraient lui manquer. Les opérations récentes menées de main de « maîtres es marketing » par l’association néoconservatrice dite « Institut pour la Justice (IPJ) illustrent parfaitement les enjeux des jours à venir (Voir « Pacte 2012 pour la Justice »).  

29 mars 2012. Dépêche de l’Agence France presse. « Une majorité de Français sont favorables à une justice plus sévère, affirme un sondage CSA réalisé pour l'Institut pour la justice (IPJ), association de défense des droits des victimes [sic] qui organise samedi à Paris un rassemblement auquel est attendu Nicolas Sarkozy. 90 % des personnes interrogées se disent favorables au droit d'appel des victimes en matière pénale et à l'obligation pour les condamnés de purger au moins les trois quarts de leur peine de prison. 89 % se disent favorables à la perpétuité réelle pour les crimes les plus graves et 72% soutiennent la construction de 30 000 places de prison supplémentaires. 74 % estiment que les peines prononcées devraient être "plus sévères", […]. Cette enquête a été réalisée en ligne du 2 au 5 mars auprès d'un échantillon de 1 006 personnes (méthode des quotas) » […].

Et portant, l’intérêt, pour lutter contre la récidive, des peines alternatives et des aménagements de peines en milieu ouvert – comme la libération  conditionnelle – est reconnu dans toute l’Europe.  Le droit d’appel des victimes est très largement contesté par les juristes et les praticiens du droit, y compris dans les rangs de l’UMP. La perpétuité  réelle - sans espoir de sortie - est  contraire à la Convention européenne des droits de l’homme (article 3, jurisprudence de la Cour). Les durées de détention en France ne cessent de s’allonger. Enfin, la France, n’a évidemment pas le 1er euro pour construire les 30 000 places de prison, votées par le Parlement, par pure démagogie électorale, recruter les surveillants nécessaires et autres personnels d’accompagnement tout aussi nécessaires, les former, etc. etc.  

Il nous reste à en convaincre nos concitoyens. On doit tenir le cap.