mardi 17 décembre 2013

Paris, Maison de la Chimie, 5 juin 2025


Le gouvernement de coalition commémore le 10ème anniversaire
de la grande loi « Taubira » sur la contrainte pénale appliquée dans la communauté (CPC) et la libération sous contrainte
 

   On a encore eu un hiver polaire et un printemps sans hirondelle, mais certaines choses progressent : le gouvernement de coalition a décidé de commémorer, à la Maison de la Chimie,  les 10 ans de la loi « Taubira ». Vous vous en souvenez, cette loi avait, principalement, institué la contrainte pénale appliquée dans la communauté (CPC) et la procédure de libérations sous contrainte.
PVT

1. Le triptyque  « contravention, délit, crime » est toujours en place, mais les frontières entre ces catégories ont évolué. Ainsi, par exemple, certains délits  sont devenus des contraventions de 5ème classe ou, à l’inverse d’autres délits  sont devenus des crimes.   

2. En matière correctionnelle, l’échelle des peines a fortement évolué : le juge correctionnel a, pour l’essentiel, le choix entre l’amende, la contrainte  pénale et l’emprisonnement ferme. Grâce à cette simplification radicale, on en a fini, en France, avec la primauté de l’emprisonnement : pour les délits, la prison est devenue l’alternative à la contrainte pénale. La CPC est la  peine de référence,  la peine la plus fréquemment prononcée, pour un délit.    
3. Au bout de dix ans, chacun a assimilé ce qu’est une CPC : ensemble de contraintes définies de façon nécessaire et suffisante, sur la base d’une analyse précise du contexte dans lequel elles seront imposées, suivies et contrôlées : contexte socio-économique, familial, psychologique. Ainsi, les échecs en cours d’exécution sont rarissimes. C’est le fruit de ce que l’on a appelé, à l’époque,  une « fermeté éclairée ».        

4. Ces contraintes peuvent, si c’est nécessaire être de 5 ordres : interdits,  obligations, traitement criminologique (travail sur le sens de l’infraction commise), traitement social  favorisant l’accès aux services de droits  communs et, évidemment, procédures de contrôle d’intensité adaptée.

5. A ces contraintes – imposées - peuvent s’ajouter des mesures qui nécessitent la pleine adhésion du condamné, comme les activités au service de la communauté (l’ancien TIG). Plus généralement, les procédures dites de « justice restaurative » ont vu leur développement fortement encouragé par la loi « Taubira » de 2015. Elles favorisent le passage d’une peine exécutée dans la communauté à une sanction appliquée avec la communauté : médiation pénale, rencontres condamnés – victimes, cercles citoyens de soutien et de responsabilité.  A ce sujet, on se souvient qu’une plateforme sur « la justice restaurative » avait été constituée en 2014 à l’initiative de l’aumônerie protestante des prisons. Elle eut d’ailleurs  un rôle moteur dans les années qui ont suivi.
      
6. En 2020, le sursis simple, le sursis avec mise à l’épreuve, le TIG comme sanction autonome ont évidemment été abolis.       

7. La même année, les aménagements de peines d’emprisonnement en début d’exécution ont eux aussi été abolis. En revanche, quasiment tous les condamnés correctionnels voient leur peine aménagée dans la communauté, en cours de détention, au plus tard aux 2/3 de la peine dans le cadre de la libération sous contrainte.

8. En conséquence, la surpopulation des prisons a été fortement réduite, et ce malgré la suppression récente des crédits automatiques de réduction de peine.    L’administration pénitentiaire se refuse toujours à publier le nombre de détenus en surnombre mais l’Observatoire national de la délinquance et de réponses pénales, l‘ONDRP le publie au 1er jour de chaque semestre avec bien d’autres données de cadrage – données qui ont manqué au législateur lors de l’élaboration de la loi « Taubira ». Un seul exemple : la répartition des levées d’écrou – hors transfèrement – selon le motif  juridique. Ainsi, peut-on suivre, semestre par semestre, la réduction de la part parmi les libérations de condamnés, des « sorties sèches ». A signaler que seul le Front National continue à remettre en cause la légitimité scientifique de l’ONDRP en matière d’évaluation des politiques de sécurité et de justice pénale.         


Le 1er juin 2025, il y avait, au niveau national 850 places opérationnelles de plus que de détenus. Mais 1 500 places étaient inoccupées. Ce qui donne un nombre de détenus en surnombre de 650. Pour mémoire, au 1er novembre 2013, le nombre de détenus en surnombre était de  12 562.

9. Pour ce 10ème anniversaire, le département « observation de la récidive » de l’ONDRP a publié une synthèse critique des travaux réalisés depuis 2020. Cette synthèse a été menée en coopération avec l’Institut national d’étude scientifique du phénomène criminel (INESPC), créé en 2018 sur le modèle de l’INED. Les conclusions de ce travail sont fort encourageantes : elles le sont aussi bien pour les cohortes de condamnés à l’emprisonnement ferme libérés que pour les cohortes de CPC. L’indépendance de l’ONDRP donne toute sa force politique à ces évaluations. 

10. En 2025, il y a encore deux ou trois égarés  qui cherchent toujours quel peut bien être le « sens de la peine » comme d’autres continuent à attendre Godot.  Pourtant, après d’âpres discussions au Parlement et une réécriture par la commission mixte paritaire, l’article 1er de la loi « Taubira » sur les fonctions de la peine fait aujourd’hui consensus, l’article 1er de la loi pénitentiaire de novembre 2009  étant de ce fait abrogé.

On y parle de « restauration de la paix sociale dans le respect des droits reconnus à la victime », de « reconstruction du condamné », de « vie responsable, respectueuse des règles de la société et soucieuse du bien commun ». Oui on y parle du souci du bien commun[1].

Paris, Maison de la Chimie, 8ème rencontre parlementaire sur les prisons,

le 17 décembre 2013

Pierre V. Tournier

 


[1] Art. 1er. Afin de restaurer la paix sociale, dans le respect des droits reconnus à la victime, de protéger la société et de prévenir la commission de nouvelles infractions, la peine a pour fonctions :
 - de sanctionner le condamné ;
- de favoriser sa reconstruction, son insertion ou sa réinsertion afin de lui permettre de mener une vie responsable, respectueuse des règles de la société et soucieuse du bien commun.
 
 

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