jeudi 15 août 2013

CONTROVERSE VALLS - TAUBIRA



 

Quelques rappels de bon sens....   


   Au 1er juillet 2013, le nombre de personnes sous écrou comme le nombre de détenus vont atteindre des records, en termes absolus, historiques : 80 700 personnes sous écrou dont 68 569 personnes détenues (France entière). A cette même date, le nombre de détenus en surnombre est de 13 867 ;  c’est un record depuis le 1er décembre 2008 (13 957 détenus en surnombre). Au 15 juillet 2013, on compte    973 détenus dorment sur un matelas posé à même le sol (15 juillet 2013
 
    Dans le contexte de la controverse sur la réforme pénale à mener, entre Manuel Valls,  Ministre de l’Intérieur et  Christiane Taubira,  Garde des Sceaux, Ministre de la justice, je souhaitais revenir sur quelques idées simples développées dans mon dernier ouvrage « La prison : une nécessité pour la République » (Buchet-Chastel, 2013) que j’ai eu l’occasion de défendre devant l’un et l’autre.  Ces idées  devraient faire consensus au sein du Gouvernement et parmi une majorité de nos concitoyens.

 1. La surpopulation des prisons  favorise l’insécurité à l’intérieur comme à l’extérieur. Non-respect de la dignité de la personne, oisiveté, loi du plus fort, violences entre détenus et à l’encontre des personnels de surveillance, trafics en tous genres, de telles conditions de détention favorisent la récidive.  

 2. Prévenir la récidive est le meilleur moyen d'endiguer l'inflation carcérale ; la récidive, mais aussi les premiers passages à l'acte. C’est une évidence, mais il n’est pas  inutile de le rappeler.

3. La politique pénale a pour objectif de réduire en nombre et en gravité les infractions pénales. Ce doit être une construction concertée entre la Justice et l’Intérieur. D’autres départements ministériels  sont aussi concernés, les Affaires sociales et la Santé, l’Education nationale, l’Enseignement supérieur et de  la recherche et … les Finances.
4. Faut-il construire de nouvelles places de prison  (idée de droite ?) ou réduire le nombre de détenus (idée de gauche ?). Il convient, évidemment de faire les deux.  

5. En ce qui concerne les nouvelles prisons, il convient assurément ne pas construire n'importe quoi.   Un établissement pénitentiaire de 200 places qui respecteraient  les normes du Conseil de l’Europe, ce serait avant tout un établissement qui comprendrait 200 cellules individuelles, espaces de repos, d’intimité, de réflexion, de travail intellectuel, de retour sur soi. Ce serait aussi un établissement disposant des superficies suffisantes pour organiser les activités des 200 détenus dans la journée et des personnels pour les encadrer  dans la sécurité et le respect de chacun.  Disposant d’ateliers, de locaux de formation générale ou professionnelle, de lieux d’activités culturelles ou sportives, d’espaces de promenade, de lieux de soins, lieux de pratique religieuse, des parloirs, les personnes détenues pourront alors se préparer à mener à « une vie responsable »,  pour reprendre l’expression de l’article 1 de la loi pénitentiaire.

6.  Compte tenu de ces exigences (fort couteuses),  il est  certainement  nécessaire de réduire le nombre de détenus, mais pas n’importe comment. « Osons suspendre les incarcérations », nous propose Michel Fize, délégué national du Mouvement unitaire progressiste  (Libération, 8/8/13). C’est évidemment insensé.   « Construire de nouvelles prisons serait une erreur […] Persistons, sans craindre l'outrage, mettre en œuvre, lorsque la prison croule de pensionnaires et de désespoir, une loi d'amnistie »,  nous dit Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté » (Les Echos, 8/8/13). Moins absurde - on l’a fait par le passé -, mais politiquement irresponsable : le Président de la République s’est engagé à  ne pas y avoir recours. Pourquoi alors agiter ce chiffon rouge ? Histoire de rappeler qu’une partie de la gauche n’a pas encore renoncé au « gauchisme pénal » ? 

7. Aussi est-il nécessaire de….

- refonder la libération conditionnelle en s’inspirant de la recommandation de 2003 du Conseil de l’Europe, 

- d’appliquer la loi pénitentiaire de 2009 votée par l’ancienne majorité (de droite) en développant  les aménagements de peine sous écrou (semi-liberté, placements à l’extérieur, placements sous surveillance électronique) à condition d’en renforcer l’encadrement socio-éducatif grâce au recrutement de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation et à une meilleure  formation de ces agents en criminologie,   

- de réduire la durée des  détentions provisoires, comme on avait commencé à le faire par la loi Guigou du 15 juin 2000,   

- d’expérimenter une nouvelle peine, la contrainte pénale appliquée de la communauté (peine sans référence à l’emprisonnement)  ayant, à  terme vocation à remplacer les peines de d’emprisonnement avec sursis simple ou avec mise à l’épreuve (voir infra "appel du 1er juin 2012") 
 
- se donner les instruments quantitatifs et qualitatifs nécessaires  pour "évaluer" en toute indépendance, renforcer, pour cela, la  formation en criminologie de tous les professionnels de la chaîne pénale et renforcer les moyens financiers et humains de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) qui depuis le 1er janvier 2010 ne dépend ni du Ministère de l'Intérieur  ni du Ministère de la Justice, mais du Premier Ministre. 
 
- et arrêter de croire et/ou de faire croire que l'on changera la prison par décret ou la justice pénale uniquement par une loi.  
 

Je vous propose d'en débattre en septembre 

Samedi  21 septembre 2013, conférence-débat de 10h à 13h, 9, rue Malher Paris 4ème (métro Saint-Paul) .

 
PVT