dimanche 26 février 2012

Le numerus clausus pénitentiaire, une idée qui fait son chemin


   Le  25 juin 2005,  l’association  DES Maintenant en Europe que je préside organisait la 1ère  réunion publique sur « Le numerus clausus pénitentiaire », avec Bernard Bolze qui allait lancer  la campagne nationale « Trop, c’est trop. Une place, un détenu », le 16 janvier 2006  à l’Hôtel  de ville de Lyon. Une seconde réunion était organisée, sur le même thème, par DES Maintenant, le 10 septembre 2005 sous la présidence de Jacques Floch  député (PS) de Loire-Atlantique. Le principe de base en est simple – et de bon sens – du moins dans sa formulation : Il ne doit jamais y avoir, dans un établissement pénitentiaire, plus de détenus qu’il n’y a de places. Rappelons qu’au 1er février 2012, le nombre de détenus en surnombre s‘élève à 11 705, soit 27 % de plus qu’il y un an (Source : O.P.A.L.E.).   

   A l’exception de Christine Boutin, et d’Etienne Pinte, tous deux députés UMP des Yvelines,  la droite était opposée au numerus clausus pénitentiaire. Je me souviens de Pascal Clément, Garde des Sceaux, déclarant, devant Christine Boutin qui venait de défendre l’idée, qu’il s’agissait d’une « idiotie ». C’était à l’occasion d’une des rencontres parlementaires sur les prisons. M. Clément fut, fort justement, hué par la salle pour sa goujaterie.   

    A l’autre extrémité de l’échiquier politique, des organisations comme l’Observatoire international des prisons (O.I.P.) étaient tout aussi hostiles. Quelques abolitionnistes de la prison ont même oser parler, à propos de Bernard Bolze et de la campagne qu’il a mené avec énergie de « militantisme de pacotille ». A gauche, les parlementaires socialistes ne se bousculaient pas non plus pour défendre le numerus clausus pénitentiaire comme le faisait, avec compétence, Jacques Floch.  Ainsi Robert Badinter y était opposé, au nom de l’égalité de tous devant la loi.  

   Idiotie hier ? Loi de la République demain ?

   Le 1er février 2012, le Sénat a adopté le principe  du numerus clausus pénitentiaire, à l’occasion du projet de loi de programmation sur l’exécution des peines. L’expression retenue fut celle de « mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire ». Vote évidemment sans conséquence pratique,  pour le moment, compte tenu de la composition partisane de l’Assemblée nationale.  En novembre 2010,  une proposition de loi, allant dans ce sens, avait été déposée, à l’Assemblée nationale, par Dominique Raimbourg (député socialiste). D. Raimbourg a été suppléant de Jacques Floch qu'il a remplacé à l'Assemblée nationale lorsque ce dernier entre dans le Gouvernement Jospin le 4 septembre 2001. Il a été élu en juin 2007. Il est membre fondateur de DES Maintenant en Europe. Votée par l’ensemble des députés de gauche – dont un certain François Hollande -  et les Verts, sa proposition fut, bien entendu, rejetée par la majorité U.M.P.

    Une idée pourtant conforme aux recommandations du Conseil de l’Europe
  
   Le vote par le Sénat, le 1er février, de ce mécanisme de prévention de la surpopulation  s’appuie sur la recommandation 18.4 des Règles pénitentiaires européennes (R.P.E.) adoptées le 11 janvier 2006  par  le Comité des ministres du Conseil de l’Europe : « Le  droit interne doit  prévoir des mécanismes garantissant que le respect de ces conditions minimales ne soit pas atteint à la suite du surpeuplement carcéral ». Le commentaire des règles  européennes apporte les précisions suivantes : « Le niveau de la population carcérale est déterminé tout autant par le fonctionnement  du système de justice pénale que par l’évolution des taux de délinquance. Ce fait doit être pris en compte à la fois dans les stratégies générales en matière de justice pénale et dans les directives spécifiques concernant les mesures à prendre lorsque les prisons sont menacées par un niveau de surpopulation risquant d’empêcher l’application des normes minimales exigées [par les R.P.E] … Une stratégie pour faire face à la surpopulation, des prisons nécessité au moins la définition claire d’un taux maximum d’occupation de toutes les prisons d’un même site particulier. Cette  exigence minimaliste    n’est même pas appliquée, aujourd’hui, en France.

Façon d’agir 
     En quoi consiste ce « mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire » adopté par le Sénat (et repoussé par l’Assemblée nationale), mécanisme prévu pour  entrer en vigueur dix-huit mois après la promulgation de la loi (art. 4B, nouveau).

1. Aucune détention ne peut ni être effectuée dans un établissement pénitentiaire au-delà du nombre de places disponibles. Pour permettre l'entrée immédiate des nouveaux condamnés, des places sont réservées dans chaque établissement, afin de mettre en œuvre le mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire.

2. Lorsque l'admission d'un détenu oblige à utiliser l'une de ces places réservées, la direction doit mettre en œuvre :
1°  Soit une procédure d'aménagement de peine pour une des personnes détenues condamnées à une ou des peines d'emprisonnement dont le cumul est égal à 2 ans ou condamnées à une ou des peines dont le cumul est inférieur ou égal à 5 ans et dont le reliquat de peine est égal ou inférieur à 2 ans selon la « procédure simplifiée d'aménagement des peines ». Cet aménagement de peine peut prendre la forme d'un placement extérieur, d'une semi-liberté, d'une suspension de peine, d'un fractionnement de peine, d'un placement sous surveillance électronique ou d'une libération conditionnelle ;
2° Soit le placement sous surveillance électronique prévu comme modalité d'exécution de fin de peine d'emprisonnement pour toute personne condamnée à laquelle il reste 4 mois d'emprisonnement à subir ou, pour les peines inférieures ou égales à 6 mois, à laquelle il reste les 2/3 de la peine à subir.
Le service pénitentiaire d'insertion et de probation (S.P.I.P.) prépare sans délai cette mesure.

3. La décision d'aménagement de peine ou de mise en œuvre du placement sous surveillance électronique doit intervenir dans un délai de 2 mois à compter de la date d'écrou du détenu entré en surnombre. Elle doit être mise en œuvre sans délai.

4. À défaut de décision dans le délai de 2 mois, le condamné le plus proche de la fin de peine dans l'établissement, choisi parmi ceux condamnés à une ou des peines d'emprisonnement dont le cumul est égal ou inférieur à 2 ans ou ceux condamnés à une ou des peines dont le cumul est inférieur ou égal à 5 ans et dont le reliquat de peine est égal ou inférieur à 2 ans bénéficie d'un crédit de réduction de peine égal à la durée de l'incarcération qu'il lui reste à subir.

5. En cas d'égalité de situation entre deux ou plusieurs personnes condamnées, le crédit de réduction de peine est octroyé en prenant en compte les critères et l'ordre des critères suivants :
« 1° Le condamné qui n'a pas fait l'objet de procédure disciplinaire, ou qui en compte le moins à son encontre ;
« 2° Le condamné  dont la peine est la plus courte.

    Idiotie hier ? Loi de la République demain ?  Nous pourrions avoir une réponse à cette question dès le 6 mai prochain.