lundi 1 décembre 2014

Une question de dignité

Editorial pour la Lettre d'information du Centre de ressources régional sur les auteurs
d’agression sexuelle, CRAVS Bretagne

Au 1er novembre 2014, l’administration pénitentiaire dispose de 57 860 places opérationnelles.
3417 places sont inoccupées pour telle ou telle raison (697 dans les maisons d’arrêt, 2 720 dans les
établissements pour peine). Aussi les 66 530 personnes détenues sont-elles, de fait, réparties dans 57
860 – 3 417 = 54 443 places. Ce qui donne, à cette date, un nombre de détenus en surnombre de
66530 - 54 443 = 12 087. Il y a donc plus de 12 000 détenus de trop ou il manque au moins 12 000
places, c’est comme on voudra. Jamais ce chiffre, incontournable, n’est cité par l’administration
pénitentiaire. En revanche, elle reconnait, depuis peu, l’existence, parmi ces 12 000 détenus en
surnombre, de plus de 1000 détenus qui dorment sur un matelas posé à même le sol.
Lors de la discussion de la loi pénitentiaire de 2009, le Parlement avait refusé – à juste raison - de
tirer un trait sur le principe de l’encellulement individuel - et ce contre l’avis du Gouvernement de
l’époque - tout en reconnaissant l’impossibilité de le mettre en application sans délai. Un moratoire de 5 ans fut retenu. Il a pris fin le 25 novembre dernier. Que faire ? Augmenter le nombre de places
(position traditionnelle à droite) ou réduire le nombre de détenus (position traditionnelle à gauche) ?
Depuis des années2, je défends l’idée qu’il faut à la fois réduire le nombre de détenus - mais pas
n’importe comment - et construire - mais pas n’importe quoi -.

On réduira le nombre de détenus a. en limitant les entrées en détention par une prévention plus
efficace des délinquances et par le développement de la contrainte pénale applicable, dans la
communauté, depuis le 1er octobre 2014, b. en réduisant les durées de détention – à sécurité au moins
égale - par les libérations sous contrainte, applicables à compter du 1er janvier 2015.

Construisons des établissements où les personnes détenues pourront se préparer à « agir en personne
responsable, respectueuse des règles et des intérêts de la société » pour reprendre les termes de l’article 24 de la loi du 15 août 2014 : des établissement où la journée de détention se passera hors de la cellule (individuelle, bien entendu) dans les « lieux de vie » : en ateliers, dans les locaux de formation générale ou professionnelle ou les lieux d’activités culturelles ou sportives, ou les espaces de promenade, dans les lieux de soins, les lieux de pratique religieuse, les parloirs, etc.

Mais, dans l’urgence, il est nécessaire de mettre en place un système de régulation, au niveau du
Parquet, des entrées en détention sur extrait de jugement – de certaines catégories de condamnés - en
tenant compte de la situation de surpopulation des maisons d’arrêt.
Paris, le 1er décembre 2014
 
Pierre V. Tournier
 Directeur de recherches au CNRS, Université Paris 1.

 Tournier P.V., La question pénale au fil de l’actualité. Chroniques d’outre-nombre, L’Harmattan, 2014

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