samedi 24 août 2013

POUR UNE EXTENSION MODEREE DU PARC PENITENTIAIRE

 
"Nous croyons à  la vertu de la prison républicaine", Christiane Taubira, discours de  La Rochelle   
   

André Vallini s’est récemment exprimé sur la réforme pénale (Le Figaro, 22 août). Sénateur et président du Conseil général de l’Isère, ancien secrétaire national du Parti socialiste chargé de la Justice, A. Vallini  était, lors de la campagne présidentielle de 2012, le responsable du pôle « Justice »  de l’équipe de François Hollande :    

    « Je me situe sur une ligne très claire, celle des engagements pris par François Hollande en matière de sécurité et de justice. La polémique entre Manuel Valls et Christiane Taubira était en fait artificielle dans la mesure où la seule politique pénale à défendre est celle de l'efficacité. C'est pourquoi je suis contre toute automaticité et donc contre les libérations anticipées automatiques telles qu'elles ont pu être envisagées, aussi bien que contre les peines planchers. L'automaticité est le contraire d'une justice qui doit personnaliser les peines, aussi bien dans leur prononcé que dans leur exécution. Ce qui n'est pas contradictoire avec la fermeté que nécessite un contexte où la délinquance et la violence augmentent. Le déni du réel n'est pas supportable et tout délit, même le plus mineur, mérite sanction, une sanction aussi sévère que nécessaire, mais une sanction efficace et effective, efficace parce qu'effective. De ce point de vue, le problème majeur que nous devons résoudre est celui de l'engorgement de la chaîne pénale et de dizaines de milliers de peines en attente d'exécution

    Dans un pays dont la population augmente, il ne faut pas s'interdire de construire de nouvelles prisons pour adapter les capacités carcérales à la délinquance. Même si la prison n'est jamais la solution idéale, elle reste nécessaire pour protéger la société contre les individus dangereux et les mettre hors d'état de nuire. Mais aussi parce que la prison a une fonction qu'il ne faut pas nier, celle de punir en privant de liberté à condition que ce soit un temps utile où l'on prépare le détenu à sa vie d'après et en privilégiant chaque fois que c'est possible, pour les courtes peines, les alternatives à l'incarcération qui sont souvent plus efficaces contre la récidive.

    La gauche naïve, je vous le confirme, c'est terminé ! Et le procès en laxisme instruit par la droite est une rengaine démodée. La gauche est devenue réaliste d'autant que le PS compte beaucoup d'élus locaux confrontés quotidiennement aux questions de délinquance ».

***

Ainsi,  André Vallini  ne partage-t-il pas le point de vue du jury de la conférence dite de consensus sur la prévention de la récidive, présidée par Mme Françoise Tulkens, ancienne magistrate (Belgique) quand ce dernier affirme « que le parc pénitentiaire ne doit pas être augmenté dans un objectif de plus grande ca­pacité d’accueil, mais qu’il doit être qualitativement amélioré afin d’assurer de meilleures conditions de détention […] (proposition n°39).
 
Il rejoint, d’ailleurs, sur ce point, la position de la mission d’information de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale, présidée par Dominique Raimbourg, sur les moyens de lutte contre la surpopulation des prisons.
 
De son côté, lappel du 23 avril 2013 « Pour une réforme progressiste de la justice pénale : Il n’est plus temps de consulter, il est grand temps d’agir », parle de « l’expansion mesurée du parc pénitentiaire afin d’améliorer les conditions de détention et de pouvoir appliquer l’ensemble des dispositions de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ».

    Dans une note au Président de la République qui aurait dû rester confidentielle - publiée par Le Monde -, Manuel Valls, Ministre de l’Intérieur,  écrivait «  Nous ne pouvons totalement  ignorer la question du dimensionnement du parc immobilier pénitentiaire et de son corollaire, la recherche d’une architecture pénitentiaire et de modes de privation de liberté adapté à notre siècle, toujours héritiers des conceptions du XIXème siècle, dans un contexte budgétaire très contraint. »

87 places  pour 100 000 habitants

    Au 1er janvier 2013, l’administration pénitentiaire déclare disposer de 56 992 places opérationnelles. Pour une population de 65,586 millions d’habitants, cela donne un taux de 87 places pour 100 000 habitants. Au 1er janvier 2012, la population française était de 65,281 millions, soit une augmentation, en un an, d’environ 300 000 habitants.

     Aussi, si l’on veut conserver ce taux de 87 p. 100 000, il faudrait créer environ 330 places de plus par an (1). 

D’après les chiffres les plus récents du Conseil de l’Europe (SPACE, Mai 2013), ….

  75 places pour 100 000 habitants en Italie  (45 600 places pour 60,6 millions d’habitants)

  85 p. 100 000 en Belgique  (9 300 places pour 11 millions d’habitants)

  87 p. 100 0000 en Suisse  (6 900 places pour 7,9 millions d’habitants)

  95 p. 100 000 en Allemagne fédérale (77 700 places pour 81,8 millions d’habitants)

114 p. 100 000 au Portugal  (12 100 places pour 10,6 millions d’habitants)

140 p. 100 000,  au Luxembourg (700 places pour 0,5 millions d’habitants)

147 pour 100 000 en Ecosse : 7 800 places pour 5,3 millions d’habitants ;

157 p. 100 000 en Angleterre Pays-de Galles (88 300 places pour 56,2 millions d’habitants)

173 p. 100 0000 en Espagne (66 800 places pour 38,7 millions d’habitants).

Nous n’avons, évidemment, aucune garantie que les critères de comptage des places, soient directement comparables, d’un pays à l’autre, mais les ordres de grandeur méritent d’être connus.

Faut-il rappeler la façon bien peu satisfaisante dont sont comptabilisées les places opérationnelles dans les prisons françaises ?

     Je le faisais en ces termes  dans mon dernier livre (La prison : une nécessité pour la République, Buchet-Chastel, 2013) :

    Les capacités opérationnelles sur lesquelles reposent les calculs présentés supra sont établies par l’administration pénitentiaire sur la base d’une note datée du 3 mars 1988. A notre connaissance, ce mode de calcul n’a pas évolué depuis.  Il se réfère uniquement à la superficie de la cellule individuelle ou collective ou du dortoir selon le barème suivant : superficie de « moins de 11 m»  = 1 place, « 11 à 14 m2  inclus » = 2 places, « 14 à 19 m2 inclus » = 3, « 19 à 24 m2 inclus » = 4, « 24 à 29 m2 inclus » = 5, « 29 à 34 m2  inclus » = 6, « 34 à 39 m2 inclus » = 7, « 39 à 44 minclus »  = 8, « 44 à 49 m2  inclus »  = 9, « 49 à 54 m2 inclus » = 10, « 54 à 64 m2  inclus » = 12, « 64 à 74 m2  inclus » = 14, « 74 à 84 m2 inclus » = 16, « 84 à  94 m2 inclus » = 18, « plus de 94 m2 inclus» = 20 places.

   Mais il est évident que la superficie nécessaire à chaque personne détenue pour que les conditions de détention respectent la dignité  de la personne va dépendre du temps que le détenu passe dans cet espace, et donc de l’organisation de la vie dans l’établissement. Aussi nous parait-il de première importance de redéfinir les capacités des établissements pénitentiaires en se basant sur la nouvelle version des règles pénitentiaires européennes (RPE).

Cette revendication, de bon sens, n’a semble-t-il reçu aucun écho auprès des pouvoirs publics.

Aussi améliorer « qualitativement » le parc pénitentiaire existant comme le préconise, à juste raison le jury de la conférence dite de consensus amènerait à admettre, un évidence : la France, ne dispose pas de 56 000 places « acceptables », mais de beaucoup moins.     

Pour mémoire Au 1er juillet 2013,  Les prisons françaises comptaient 13 867 détenus en surnombre : 13 402 en maisons d’arrêt et 465 en établissements pour peine (OPALE)   

PVT

(1)  (65 586 000 + 300 000) x 87 / 100 000  -  56 992.

- Rappel -

IFOP, Le Figaro. Echantillon de 1003 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, terrain du 8 au 12 août 2013

Question : Pour lutter contre la surpopulation dans les prisons françaises, seriez-vous plutôt favorable ou plutôt opposé à chacune des propositions suivantes ?

« La construction de nouvelles prisons » : 81 % de « plutôt favorable »

« Le développement de solutions alternatives à l’emprisonnement (bracelet électronique, travaux d’intérêts généraux) pour les peines ne dépassant pas quelques mois » : 79 % de « plutôt favorable ».
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